Everybody Wants Some

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Le nouveau Richard Linklater, teen movie vintage et réjouissant.

On avait laissé Linklater avec Boyhood en 2014, belle évocation de douze ans de la vie d’un homme de l’enfance aux débuts de l’âge adulte, filmés sur la même période. Everybody Wants Some !! pourrait en être le sequel en même temps que son envers, puisqu’il s’attache aux trois premières journées qui précèdent l’entrée à l’université de Jake. Sorte de prolongement de Dazed and Confused (1993), oeuvre inédite en France mais désormais culte (à la faveur des sorties DVD et de la consécration par Quentin Tarantino, entre autres) qui, déjà, avait pour seul objet de suivre, sur un temps restreint et dans une unité de lieu (le dernier jour de cours d’une fac texane), les aventures d’étudiants coincés dans le plus bel âge – celui de la fin de l’adolescence, avant que les doutes et turpitudes ne les assaillent. Par “aventures”, entendre bitures, bongs, expériences sexuelles et jeux de base-ball : Linklater, fin scrutateur du groupe et du Sud du Texas, croit fermement en la puissance formatrice de cette période éphémère mais ô combien importante, où l’anecdotique revêt tout son intérêt fictionnel.

Mini-shorts satinés, moustaches gominés et pectoraux saillants : Jake et ses nouveaux copains évoquent d’emblée l’âge d’or des campus américains – il n’est même pas interdit d’y voir un certain postulat cripto-gay. Linklater convoque sa propre jeunesse pour une peinture vintage et mélancolique des années 80 et les jours, brefs mais fédérateurs, qui précèdent les études. Un infini champ des possibles, paradoxalement ramené à une bulle restreinte où il s’agit simplement pour les mecs de serrer le maximum de filles, boire le plus possible et tisser des amitiés inoubliables, coqs de basse-cour qui bombent le torse et jouent à chat-bite, inconsciemment bien conscients du fait que rien d’autre n’existe que l’instant. En résulte un film à la ligne scénaristique très claire : comment occuper ces trois jours pour les rendre inoubliables ?

Armé de son inépuisable capacité d’écoute et d’observation, Richard Linklater les regarde aussi amusé qu’amoureux, volontiers oublieux de son intrigue : rien n’importe autant que de capter l’instant, la manière dont Jake et les siens évoluent, désireux de tirer l’essence la plus véridique du moindre geste, du moindre acte langagier. Partant, Everybody Wants Some !! est souvent vaporeux – rien, de fait, n’accroche particulièrement l’attention dans ces interminables sessions de fumette et de drague éhontée. C’est exactement ce qui en fait sa beauté volatile, nichée entre les séquences à la manière d’un texte subliminal : un coup de téléphone en split-screen parce qu’on n’ose pas encore se voir en vrai, une sortie en boîte qui permet de réfléchir à la portée de la musique qu’on écoute. Rien de grave dans Everybody Wants Some !!, on n’en est pas encore là – et quand arrive enfin le premier cours, on peut s’y endormir serein, rêvant au vertige de toutes les vies possibles.

Titre original : Everybody Wants Some

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Durée : 117 mn


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