Mini-shorts satinés, moustaches gominés et pectoraux saillants : Jake et ses nouveaux copains évoquent d’emblée l’âge d’or des campus américains – il n’est même pas interdit d’y voir un certain postulat cripto-gay. Linklater convoque sa propre jeunesse pour une peinture vintage et mélancolique des années 80 et les jours, brefs mais fédérateurs, qui précèdent les études. Un infini champ des possibles, paradoxalement ramené à une bulle restreinte où il s’agit simplement pour les mecs de serrer le maximum de filles, boire le plus possible et tisser des amitiés inoubliables, coqs de basse-cour qui bombent le torse et jouent à chat-bite, inconsciemment bien conscients du fait que rien d’autre n’existe que l’instant. En résulte un film à la ligne scénaristique très claire : comment occuper ces trois jours pour les rendre inoubliables ?
Armé de son inépuisable capacité d’écoute et d’observation, Richard Linklater les regarde aussi amusé qu’amoureux, volontiers oublieux de son intrigue : rien n’importe autant que de capter l’instant, la manière dont Jake et les siens évoluent, désireux de tirer l’essence la plus véridique du moindre geste, du moindre acte langagier. Partant, Everybody Wants Some !! est souvent vaporeux – rien, de fait, n’accroche particulièrement l’attention dans ces interminables sessions de fumette et de drague éhontée. C’est exactement ce qui en fait sa beauté volatile, nichée entre les séquences à la manière d’un texte subliminal : un coup de téléphone en split-screen parce qu’on n’ose pas encore se voir en vrai, une sortie en boîte qui permet de réfléchir à la portée de la musique qu’on écoute. Rien de grave dans Everybody Wants Some !!, on n’en est pas encore là – et quand arrive enfin le premier cours, on peut s’y endormir serein, rêvant au vertige de toutes les vies possibles.