Erreur de la banque en votre faveur

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A priori, la nouvelle comédie du tandem Munz-Bitton résonne d´autant mieux qu´en ces temps de crise mondiale, elle stigmatise justement << l´argent pour l´argent >> et l´univers des banquiers d´affaires. Lorgnant gentiment du côté de << La belle équipe >> de Duvivier, elle peine pourtant à trouver un rythme idoine. Actuel.

C’est ce que l’on appelle avoir du flair. Une qualité que l’on ne saurait dénier à Michel Munz et Gérard Bitton, co-scénaristes qui aiment tremper leur plume commune dans la satire sociale, dûment adoubés par le succès colossal de « La vérité si je mens » et, en mode plus mineur, celui d’« Ah ! si j’étais riche ».  Or donc, les deux compères (également réalisateurs) nous baladent, aujourd’hui, dans l’univers acide des banquiers d’affaires et des délits d’initiés. Stigmatisant justement, opportunément, cet « argent qui ne sert qu’à faire de l’argent ».
En salles dès le 8 avril, tandis que bruisse et s’installe alentour une faillite financière, sociale et mondiale à nulle autre pareille, « Erreur de la banque en votre faveur » a, de fait, le talent de coïncider avec son époque. Bon point, a priori, pour ce qui s’annonce – se revendique, même – comme une comédie « politique ». Dénicher le sujet fédérateur, saisir derrière le quotidien le plus amer une force comique capable, même provisoirement, de ré enchanter le monde, rebondir sur la vague, et, pour finir, nouer de nouvelles solidarités : tel serait leur propos. Telle est, surtout, notre attente, à l’aune de ces ambitions somme toute rares dans le P.C.F. (lire Paysage Comique Français, bien évidemment…).

N’est pas, néanmoins, Julien Duvivier qui veut. N’en déplaise à Munz et Bitton, quand bien même l’on identifie aisément leur filiation à travers l’appartenance sociale modeste de leurs deux personnages principaux, l’amitié chahutée qui les relie, les scènes récurrentes de bistrot et, bien sûr, les thèmes moteurs de leur long métrage que sont l’argent et la « lutte des classes ». N’en déplaise aussi, au moins symboliquement ( !), à Jean Gabin, copain emblématique de la « Belle équipe », acteur-balise (aujourd’hui encore) du cinéma français, qui avait coutume de dire qu’un bon film, c’est d’abord une « bonne histoire ». Heu… Sauf votre respect, c’est aussi du rythme, et puis du rythme, et puis encore un peu de rythme tant qu’à faire !

     
 

On piétine

Or là, passée la première demi-heure qui installe pertinemment les protagonistes, leurs contextes respectifs, passé aussi l’intérêt suscité par le double mouvement des personnages (Gérard Lanvin, maître d’hôtel réac qui finit par véroler le capitalisme dur de ses patrons, Jean-Pierre Darroussin, cuistot coco qui se laisse piéger un temps par la cupidité), on piétine. Sinon d’impatience, en tout cas d’ennui. Certes, rendre attractives, voire glamour, les combines juteuses des gros méchants banquiers de la finance internationale (celle des petits, aussi) est un exercice à haut risque. Au moins en terme de dramaturgie. Pour autant, Michel Munz et Gérard Bitton, que l’on a connus plus en verve, avaient-ils besoin d’enfiler autant de perles autour du motif principal ? Comme souvent dans les comédies masculines, les femmes sont au mieux des silhouettes attendrissantes (Barbara Schulz, qui attend le prince charmant à 35 ans et des poussières), quand elles ne sont pas d’accortes nymphettes, réduites au simple fantasme de quinquagénaire rock’n’roll (toute fraîche Jennifer Decker)… Et que dire du mauvais gag de la table d’opération, giclant de tout son sang pour cause de chirurgien irascible et « over stressé » ?
Le fait est que nos deux auteurs-réalisateurs s’essaient à tellement de registres dans l’humour (comique visuel, de situation, burlesque, jeux de mots, de caste, etc.) qu’aucun, véritablement, ne laisse de trace. Et que tous, mis bout à bout, lassent. Pour reprendre l’axe principal du film, ce foisonnement, qui se veut sans doute l’expression d’une richesse scénaristique, ne parvient pas, décidément, à masquer la pire des pauvretés au cinéma : celle du cliché.

  

Un détail, pour finir (une lueur, un bonus, un cadeau) : il y a, malgré tout, un personnage qui échappe à cette lenteur convenue, à ces facilités bon enfant, vieillottes et bien pensantes, celui du petit banquier avide de reconnaissance sociale, cadre moyen d’une agence de quartier qui voit dans ces jeux d’argent parfaitement malhonnêtes le moyen d’embellir sa vie étriquée. Savoureusement interprété par Scali Delpeyrat, il synthétise à lui seul le tout à l’ego d’une société rongée par l’avidité, mais encore la précarité et son cortège d’humiliations. Personnage secondaire, quoique ressort capital d’une mécanique trop bien huilée : comme par hasard, « Erreur de la banque… » ne parvient à trouver sa juste vitesse qu’autour de cette pièce médiane. Parce que loin des luttes ouvrières des années 30 et du Front populaire (cf Gabin et Duvivier, donc), ce que nous dit la crise actuelle, ce que révèlent ses convulsions, n’est-ce pas avant tout l’impasse des classes moyennes… ? Pour le coup, le film est indéniablement en phase avec son sujet. Et avec son époque.

Dommage que ces deux louables renifleurs que sont Michel Munz et Gérard Bitton n’aient pas eu le nez… de lui prêter une oreille plus favorable ! Une question de bon sens, au fond. Et littéralement.

Titre original : Erreur de la banque en votre faveur

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Durée : 98 mn


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