Véritable bouée de sauvetage pour EuropaCorp, Taken 2 surpasse allègrement les résultats déjà salvateurs du premier volet réalisé par Pierre Morel, devenant ainsi le long métrage le plus rentable de l’histoire de la société, et accessoirement le plus gros succès pour un film français à l’international. Une franchise qui s’inscrit dans la catégorie du divertissement pur privilégié par Luc Besson, à distinguer des investissements octroyés ponctuellement à certains auteurs (Terrence Malick, Tommy Lee Jones ou Benoît Jacquot) qui eux bénéficieront d’une indépendance artistique notable. Les symptômes inhérents à cette première catégorie sont connus de tous : schémas narratifs simplistes et interchangeables, décorum vulgaire (grosses berlines, prostitution, boîtes de nuit), ode à la virilité, mise en scène formatée par un cahier des charges long comme le bras, pauvreté des thématiques, et cætera. Pour Taken 2 c’est Olivier Megaton qui s’y colle, et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il paraît toujours aussi complexe d’octroyer des spécificités stylistiques à un réalisateur de l’écurie Besson. Morel, Megaton, Dahan ou encore Leterrier, impossible de différencier le cinéma de l’un ou de l’autre tant chacun semble écrasé par l’ombre imposante du producteur, dont la patte formelle transparaît dans l’ensemble de ces productions.
Si le premier Taken a, malgré sa trame plutôt classique, réussi à séduire un aussi vaste public, c’est sans doute grâce à son canevas dramatique plus mature qui ne cible plus une tranche d’âge particulière à l’image des Taxi, Wasabi, Transporteur ou Hitman. Plus encore, c’est la représentation de son héros Bryan Mills, interprété par un Liam Neeson minimaliste (pour ne pas dire apathique), qui semble marquer les esprits. Faisant preuve d’un sang-froid irréel devant la situation la plus désespérée, Mills est une machine de guerre qui tient à la fois de l’inspecteur Harry (sagesse et moralité implacable), d’un Justicier dans la ville (un père vengeur) et de Jack Bauer (course à la montre et équipement technologique). Une savante combinaison pour moderniser le genre du vigilante movie, et ménager le spectateur face à la violence extrême inhérente à ses codes. Et c’est là l’énorme carence du film de Megaton qui traite ses références en surface en ne conservant que l’aspect iconique de son personnage, entraînant le spectateur dans un décodage unilatéral des actes meurtriers commis par Mills. En dehors de l’extrême manichéisme, le simple fait de tuer n’est remis en cause par aucun des personnages, y compris la femme et la fille de Mills, plutôt contents d’avoir une machine à tuer sous la main. Le premier Taken se permettait déjà un grand écart entre les actes perpétrés (la scène de torture) et la détermination sans faille du héros, pourtant montré comme une personne sage et bienveillante. Si ce parti pris pouvait presque passer pour de l’humour noir, Taken 2 affadit son concept et réduit à néant tout recul possible. Très loin d’un Death Sentence ou d’un The Horseman, le film de Megaton occulte les thématiques de l’autodestruction et de la vengeance en spirale pour ne pas abîmer le fantasme d’un personnage sans failles, quitte à le rendre inhumain. Pire, après une heure de séquestration et de massacres à la chaîne, la séquence finale montre une famille soudée pour qui cet épisode n’est qu’une parenthèse dorénavant fermée, se permettant une conclusion en éclats de rire sur les aptitudes meurtrières de Mills.
Unique en son genre, Taken 2 reprend les recettes chères à EuropaCorp dans l’exploitation superficielle d’un genre ou d’un univers, mais s’adapte très mal au divertissement flatteur et inconséquent des autres productions de la firme. On y retrouvera les gimmicks de réalisation indispensables au formatage bessonien : combats accélérés (dont un vraiment bancal ici), course de voitures allemandes et prestance du mâle protecteur. Le cocktail EuropaCorp est bien là mais s’écrase dans ses velléités dramatiques et ne comble jamais le vide émotionnel généré par l’esquive de thématiques fondamentales. Une stratégie plus que payante au box office, qui, malgré les réticences de Liam Neeson (sans doute le premier surpris), conduit le producteur français à mettre en chantier un troisième volet.
Taken 2 d’Olivier Megaton – DVD et Blu-ray édités par EuropaCorp – Disponible depuis le 6 février 2013.