Tout est annoncé dans l’extrême diversité visuelle de cette ouverture : tantôt une animation naïve, puis une série de plans portraits sous forme d’interviews pour la teneur « documentaire » du film, et enfin une caméra tellement collée au visage de l’acteur qu’elle semble vouloir lui arracher l’âme. Le bazar visuel annoncé tient toutes ses promesses, puisqu’à aucun moment le film ne parviendra à s’affranchir de ses manières visuelles arty, plans de coupes dramatiques, alternant avec des visions aériennes et « poétiques » de l’environnement du lycée et de la ville. Ajoutée à cela une incessante voix-off du personnage de Brody, divaguant sur le sens des choses et déclamant de mauvais vers, et des flash-back de son enfance en sépia (car c’est bien connu, le passé est en sépia !).
Cet excès de couleurs, de lumières et de plans n’a pas d’autres but que de camoufler un film, qui s’il se veut engagé et percutant, n’a strictement rien à dire. Le projet est apparemment de dénoncer tout azimut un système scolaire américain public au bord de l’implosion, où les élèves ne sont plus que des cas sociaux placés en garderie au lycée, et dont les professeurs seraient devenus des punching-ball.. Soit. Quant bien même le constat serait aussi accablant, il manque au film une inscription dans un environnement (où sommes nous ? dans quel état ?), une cohérence dans la mise en fiction de l’état des lieux, et évidemment un tant soit peu de cohérence scénaristique.
Le film s’intéresse à tout sauf à son sujet, tourne autour avec de jolis cache-misères sans jamais s’y frotter, refusant d’affronter le véritable sujet, épineux et complexe, de l’éducation. Le symptome finalement d’un scénario qui n’a à partager que des banalités sans noms, ou alors de soi-disant vérités rances jamais testées dans un véritable projet de cinéma.
Le professeur joué par Brody (également producteur du film), est une sorte de saint, accumulant des épreuves plus outrancières les unes que les autres (mère suicidée, grand-père mourant et sénile se révélant être pédophile…), charriant partout sa générosité de pacotille, jusqu’à ramasser une jeune prostituée dans la rue pour lui offrir le gite, le couvert et une certaine hygiène de vie… Le film déroule ainsi des scénes sans continuité narrative, jusqu’au drame final, aussi attendu que grotesque. Une pléiade d’acteurs viennent ajouter au ridicule de l’affaire, de James Caan à Lucy Lui, en passant par Marcia Gay Harden, tous aussi hystériques que cabotineurs. Du grand-guignol au pathétique, Detachment ne n’épargne rien mais n’appelle aucune indulgence tant il se croit intéressant.