FILM 1
L’Amore: La Voix humaine & Le Miracle, Roberto Rossellini, 1948
« Je te vois avec mes oreilles. »


Critique : Mickaël Pierson
ITALIE – 1948 – Durée: 1h16 – Audio : Italien – Sous-titres : Français
N&B – Format Original 1’33 (4/3) – PAL Zone 2
FILM 2
La terre tremble (La Terra trema), Luchino Visconti, 1948
« La mer est amère »
De l’amour, de la politique, de l’action, des rapports sociaux. La terre tremble de Luchino Visconti signe l’esprit rebelle d’un réalisateur engagé, prêt à donner aux spectateurs sa réalité et les injustices qui l’animent. Italien avant tout, la famille, la religion, l’amour et la moquerie sont au rendez-vous dans ce film aux allures de documentaires sur la rude vie de pêcheur des années 50.
« Le poisson est à qui l’a pêché »
Véritable réquisitoire contre les riches, ceux qui détiennent le pouvoir et rendent encore plus pauvres ceux qui le sont déjà, La terre tremble est d’une modernité et d’un réalisme foudroyants. La famille est omniprésente, dans ce paysage italien où la chaleur est étouffante, où les femmes riches ne peuvent épouser les hommes pauvres qu’elles aiment éperdument, où Mussolini a fait de certains hommes les bourreaux des plus démunis, des affamés, des roturiers.
Antonio, regard bleu azur – imaginable malgré la qualité fragile du film – amoureux transi de Nedda, cadet d’une famille où les garçons vont à la pêche et les filles restent à la maison, décide d’hypothéquer la maison de famille pour monter sa propre entreprise. Outrage à l’autorité des grossistes, ogres et monstres qui exploitent les pauvres pêcheurs, Antonio empli de courage se lance dans une aventure, entre terre et mer.
Honneur au communisme
Le film s’inspire de l’auteur italien Giovanni Verga, et c’est avec brio que Visconti dresse le portrait d’hommes qui croient en l’homme, en l’amour, en eux-mêmes. De la pauvreté naît le courage et l’envie. Le scénario est une véritable carte postale de l’Italie et des clivages qui l’ont fait trembler après la guerre. Ce ne sont pas des acteurs mais de véritables pêcheurs et habitants de l’Aci Trezza qui font vivre le film, qui donnent du mouvement à l’histoire racontée.
Sicile, Sicile… Quand tu nous tiens
Aci Trezza, bourg de pêcheurs calme et paisible, a servi de décor au film de Visconti. En apercevant les îlots de lave, les barques cassées de pêcheurs pauvres, les plages utilisées pour réparer les filets et vendre les anchois péchés le matin tôt, on tombe amoureux de l’Italie, son atmosphère et son faux-semblant de tableau ancien.
Visconti signe donc un chef-d’œuvre de réalisme et d’utopie politique, avec émotion et séduction. Entre nostalgie et docu-fiction, une histoire qu’il est bon d’écouter à nouveau…
Critique : Stéphanie Chermont
ITALIE – 1948 – Durée : 2h37 – Audio : Italien – Sous-titres : Français
N&B – Format original 1’33 (4/3) – PAL Zone 2
FILM 3
O CANGACEIRO, de Lima Barreto, 1953

Il était une fois le cinéma brésilien
Après-guerre, la production des studios brésiliens était très irrégulière, de un à dix films par an tandis que le cinéma américain dominait le pays. L’idée du fameux producteur, Alberto Cavalcanti, était d’établir un « Hollywood » brésilien avec les studios de Vera Cruz mais celle-ci relevait du rêve. O Cangaceiro, film de Lima Barreto produit par le studio et distribué par la Columbia, fut le premier à être mondialement connu, Il recueillit deux prix au festival de Cannes, en 1953. C’est par son travail de documentariste que se distingue son réalisateur. Celui-ci avait, à son palmarès, un prix au festival de Venise dans la catégorie art, en 1951 pour Santuário, magnifiant les sculptures baroques coloniales de l’achitecte brésilien Aleijadinho. O Cangaceiro fut son premier film de fiction.
Lampião, à l’origine du genre cangaço
Le film s’inspire d’un personnage folklorique légendaire Virgulo Ferreira da Silva, le chef des bandits des terres arides du Nordeste, surnommé Lampiao, car il était toujours prêt à faire feu comme un lampion allumé. Au cours du pillage d’un village, les bandits enlèvent la jeune institutrice Olivia pour ensuite réclamer une rançon. Teodoro, l’assistant du terrible capitaine Ferreira, tombe amoureux d’Olivia et va l’aider à s’enfuir au prix de sa propre vie. Ce type d’intrigue, mettant en scène les affrontements entre les autorités du pays et les bandits, les Robins du désert luttant contre l’oppression sociale des gros propriétaires terriens brésiliens, dans les paysages arides du Sertao donnent alors naissance à un genre : le cangaço.
Hollywood à la brésilienne
Nonobstant l’influence des westerns américains de l’époque, Lima Barreto s’est lancé le défi de fabriquer un film typiquement brésilien avec ses paysages, son histoire, sa musique, sa culture. Afin que cette entreprise soit réussie et approuvée internationalement, Cavalcanti engagea les meilleurs techniciens, un chef opérateur anglais (Chick Fowle), un monteur allemand (Oswald Hafenrichter). Les décors et les costumes ont été fabriqués par les célèbres Caribé et Pierino Massenzi. L’écrivaine Rachel de Queiroz s’est merveileusement occupé des dialogues. La musique n’est pas en reste : la chanson du film « Mulher Rendeira », douce et hypnotisante, a longtemps bercé les radios du monde entier.

Magnifiquement filmé, avec un montage très recherché et des personnages hauts en couleur, O Cangaceiro a imposé le cinéma brésilien dans le monde. On ne peut que se féliciter de cette édition du film en DVD par Films Sans Frontières mais regretter, toutefois, l’absence de bonus afin d’en apprendre un peu plus.
Critique : Rita Bukauskaite
Sous-titres : Français – N&B – Format original 1’33 (4/3) – PAL Zone 2