Coffret DVD / Blu-Ray SATYAJIT RAY

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Selon Akira Kurosowa : « Ne jamais avoir vu un film de Satyajit Ray, c’est comme ne jamais avoir vu la lune ou le soleil ». Les six films de ce magnifique coffret Carlotta nous donnent l’occasion de mesurer toute la sagesse de cette pensée.

Après avoir été durant très longtemps une référence incontournable pour les cinéphiles, études universitaires et critiques cinématographiques, la filmographie de Satyajit Ray semble quelque peu oubliée depuis une vingtaine d’années. Comme si nous pouvions nous passer d’un réalisateur aussi essentiel dans l’histoire du septième art. La sélection de six films  proposée par Carlotta est une merveilleuse occasion de plonger dans l’univers du maître du cinéma indien. Quand la  modernité n’est pas un simple concept, mais le fruit d’une inventivité, d’un travail minutieux, elle ne craint pas de subir l’érosion du temps, comme le sentiment d’émerveillement qui reste toujours aussi vivace plus de cinquante après la découverte de chaque film. Le réalisateur se définit lui-même, à juste titre, comme un artiste exigeant qui s’adresse avec respect à l’intelligence du public. Mais, cette aspiration s’exprime dans une impesanteur qui confère un caractère éminemment divertissant à chacun de se films.

Jeux de miroir

Le fait que cinq des six films du coffret se concentrent sur une courte période, de 1963 à 1966, permet de mesurer le travail d’orfèvre de Ray  qui, au fil des œuvres qui se répondent, se complètent et explorent de nouveaux horizons, tissant une pièce unique et dense. Pourtant bien différents en terme de tonalité et de mise en scène,  La grande ville (1963) et Charulata (1964) peuvent constitués un diptyque sur la place du couple dans une société qui oscille entre archaïsme et modernité, entre les vertus de la frugalité et les sirènes du capitalisme. Deux immersions dans l’intimité des foyers, celui d’une classe moyenne pour La grande ville, et celui d’une certaine élite pour Charulata, comme miroir grossissant d’une société en pleine mutation.

Le lâche (1965) et Le héros(1966), dont les titres faussement univoques auraient pu être inversés, évoquent, entre autres, la question de l’engagement. Quand deux trajets se dessinent sur nôtre chemin de vie, le renoncement à un idéal est-il un acte de faiblesse ? Le passé reflète-t-il ce que nous sommes réellement ? Peut-on y lire notre destinée ? Dans Le Héros, Ray questionne également la place du cinéma dans la société indienne. Les interrogations  d’Arindan ( Uttam Kumar), star du cinéma bengali, engagent non seulement une réflexion sur la voie prise par le cinéma de divertissement de son pays, mais aussi sur le cinéma de Ray. Le désenchantement de son héros rappelle celui de Guido (Marcello Mastroianni) dans Huit et demi, dans un mise en abyme toute en élégance et en légèreté.  L’art de la litote selon Ray. Le dieu éléphant (1978) et son intrigue sous forme de Cluedo poursuit la réflexion sur la notion de jeu. Satyajit Ray demeure avant tout un fabuleux conteur pour qui les fables sont des palimpsestes infinis.

Ce que femme veut

Le cinéma de Ray est un cinéma d’intérieur. Le héros se déroule la plupart du temps dans les compartiments d’un  train. Dans La grande ville  on se déplace de la modeste maison où les différentes générations, aux locaux de l’entreprise où les apprenties commerciales s’émancipent peu à peu, pour pénétrer ensuite dans les luxueuses demeures de leurs clientes potentielles. Charulata trace également un parcours d’émancipation. Le « petit palais »  dans lequel la jeune femme règne en maître est en réalité une cage dorée, avec pour seul échappatoire une paire de jumelles.  Dans un bonus du DVD, Eva Markovits revient avec précision  sur le découpage de l’espace orchestré par Ray.  Que ce soit Karuna dans Le lâche,  ainsi que les différentes jeunes femmes qui gravitent autour de la star dans Le Héros, la Femme chez Ray connaît le chemin qui la conduira à son épanouissement personnel. Mais son sens du devoir et la société la conduisent à guetter et à provoquer avec respect l’autorisation de l’autorité masculine. L’Homme, quant à lui, est tiraillé entre des principes reproduit sans une totale conviction et la peur de perdre celle dont il veut réellement le bonheur. Ni lâche ni héros, c’est un chef d’orchestre sur le retour qui peine à accepter que la femme devienne une soliste à part égale, et ce pour l’harmonie de tous.

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