Clermont-Ferrand : Jour 2

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À Clermont-Ferrand, Andrew Kavanagh récidive.

Prématurément peut-être, osons la prophétie : un auteur naît. L’année dernière déjà, At the Formal (2011) frappait par sa brutalité, projetée par un univers personnalisé, une tribu de blancs en costumes adeptes du sacrifice humain. Avec Men of the Earth (2012), Andrew Kavanagh continue de nous balader sur ses terres exotiques, peuplées d’uniformes familiers et de rituels mortuaires.

Un ouvrier traverse lentement son espace de travail, un chantier routier, progressivement rejoint par ses collègues. Le groupe atteint le véhicule des patrons, une phrase brusque jaillit de la machine. Les ouvriers rejoignent une gueule ronde et barbue, un chef de chantier. L’homme est déshabillé, lavé, purifié. Il marche, entame un chant, atteint le corps mort du précédent chef. L’enterrement commence, le groupe suit la voix du velu. L’homme prend son téléphone, « c’est fini ». Retour du véhicule, les patrons se moquent des ouvriers, « retournez au boulot, feignasses » !

Jetons cette conclusion – un peu lourde – dans le célèbre sac des erreurs de jeunesse et entamons l’éloge d’un court brillant. Men of the Earth n’est ni marxiste, ni symbolique. Kavanagh ne vise pas la peinture d’une quelconque lutte des classes. Le cinéaste ne plante pas non plus un réseau de métaphores qui glisserait la vision d’une population primitive sous un cadre contemporain. Il partage l’exploration de son propre monde, filme les bases de la construction d’un cérémonial accompli par un groupe touché par la mort de l’un des leurs. Nous ne savons même pas si cette qualité d’ouvriers de la route leur a été imposée ; peut-être ont-ils toujours vécu sur ces lieux. Ils sont, par essence et sans ironie, des hommes de la terre.

À la tradition sauvage, au goût du sang, à l’assassinat collectif, succède la roche, la compassion, l’union. De Kavanaghland, nous connaissons maintenant deux peuples : les bourgeois de At the Formal et les prolétaires de Men of the Earth. Quelle sera la prochaine tribu ?

Clermont-Ferrand : Jour 1


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