Un début bobo
Le début du film est très agaçant. Déjà parce qu’il nous fait nous remémorer le confinement qu’on nous a imposé et qui a tant fait de dégâts. Et puis cette famille séparée est vraiment énervante, caricature de bobos filmés en noir et blanc dans les beaux quartiers germano-pratins de Paris. Et puis, peu à peu, on s’habitue et on finirait presque par s’émerveiller, enfin n’exagérons rien mais le quatrième long-métrage d’Arnaud Viard est plus qu’honnête, d’autant qu’on lui doit, en 2020, Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part. Il faut dire qu’il sait utiliser une caméra et filmer des visages, surtout son visage et sa solitude et son désarroi. Et c’est quand apparaît le visage de Marianne Denicourt en pharmacienne douce et sexy que le film s’illumine. Après les chicaneries insupportables qui sont devenues le leitmotiv des films français contemporains d’un couple séparé qui se partage la garde des enfants, avec une Romane Bohringer pas vraiment à son avantage en épouse séparée quérulente, le film bascule enfin dans une sorte de romance sentimentale que n’aurait pas reniée un réalisateur américain des années 1970.
Vivre reclus
On l’aura compris, l’intrigue est très mince : à Paris, dans la stupeur du premier confinement, Arnaud, séparé d’Isabelle et papa de Cléo et Melvil, va profiter de cette parenthèse pour prendre soin de ses enfants et faire le point sur sa vie, ce qui le conduit aux souvenirs mais aussi à l’avenir… L’avenir, c’est peut-être Marianne, la pharmacienne du quartier. Ses yeux sont verts, et derrière la vitre en plexiglas, une attirance va naître. Mais Arnaud Viard – qui est aussi acteur du film – a le don de transformer ce petit scénario en film quasiment autobiographique car, ainsi qu’il le déclare lui-même dans le dossier de presse du film : « D’abord, je dois expliquer la situation dans laquelle je me trouvais ce lundi 16 mars 2020 lorsque Emmanuel Macron a prononcé à plusieurs reprises : Nous sommes en guerre. Je m’étais séparé de ma femme récemment, et louais un deux pièces proche de notre ancien domicile où vivent désormais mes 2 enfants, Cléo et Melvil, avec leur mère. Pour beaucoup de parents séparés, avec des enfants petits, cela été une période un peu éprouvante mais aussi très forte. Assez vite, je me suis dit que j’allais profiter de cette période pour filmer mon quartier de Saint-Germain-des-Prés.. Au moment de l’annonce du confinement, nous n’avons eu d’autres choix, mon ex-femme et moi, que de rester à Paris. Elle, en télétravail et moi, confiné dans mon deux pièces. »
Espérer et aimer malgré le covid
Mais rassurez-vous, le film n’est pas consacré seulement au confinement. C’est un retour sur soi, une réflexion sur l’amour et le couple, sur le dur métier de scénariste et de réalisateur, sur la panne d’inspiration, sur l’enfermement forcé et tant d’autres choses encore. Il propose, en plus, une sorte de carnet intime, une sorte de Caro Diario en noir et blanc mais d’un homme confiné qui sent le désir et l’amour revenir en lui et c’est plutôt revigorant en cette période tragique que nous avons vécue et continuons de vivre de manière différente. Surtout lorsque le noir et blanc et le Paris désert évoquent un peu l’univers de Jean Eustache.