Retour à la première inspiration
Le cinéma ne se réinvente pas et n’invente pas plus la vie. On le constate chaque jour un peu plus. Même si elle n’a jamais présenté de films à Cannes, Inés María Barrionuevo n’est pourtant pas une débutante avec des courts-métrages à son actif et trois longs-métrages présentés aux festivals de Berlin et de San Sebastian. Ce quatrième long-métrage dont elle n’a pas écrit le scénario, puisqu’il est d’Andrès Aloi, répond pourtant fidèlement à un de ses films précédents, Atlantida, qui traitait déjà de l’adolescence, comme quoi « c’est ainsi que fonctionne l’art : on revient toujours aux mêmes thèmes », ainsi que le déclare la réalisatrice elle-même dans l’entretien qu’elle a accordé au dossier de presse du film.
Les affres de l’adolescence
Lorsque sa riche mais avare grand-mère tombe gravement malade, Camila doit déménager à Buenos Aires avec sa mère et sa sœur. Elle quitte alors son lycée public pour une institution privée très traditionaliste. Dans ce milieu hostile, elle fait la rencontre de Clara, une camarade de classe qui cache un secret. Une révolution féministe est sur le point de commencer. Voici donc un film sur les secrets et les affres de l’adolescence, un de plus vous direz-vous peut-être car il choisit effectivement son lot de clichés sur la révolte, le trouble du désir sexuel, la lutte des classes et tout ce qui titille ces jeunes gens en train de découvrir la vie et de se croire au-dessus de la mêlée. Il n’en sera rien bien sûr mais ce film argentin est beaucoup plus fin qu’on pourrait le penser et il suffit de dépasser la première demi-heure pour découvrir en fait un petit bijou bien construit derrière un certain nombre de banalités qui s’effacent vite au bénéfice d’une bonne qualité de mise en scène (hormis quelques banalités ou images hâtives) et, bien sûr, d’interprétation, notamment celle de Nina Dziembrowski « (qui interprète Camila), (qui) n’avait que dix-huit ans au moment du tournage : elle terminait elle-même ses études tout comme son personnage », explique la réalisatrice du film dans le dossier de presse.
Le désir féminin
Le film est très étudié sur le plan scénaristique et chromatique puisque les couleurs ont été choisies par la réalisatrice et la directrice de la photographie, Constanza Sandoval, en fonction de la situation. Mais ce qui est le plus intéressant, et qu’observe particulièrement bien Inés María Barrionuevo, c’est la manière dont une femme peut réaliser un film qui parle de désir féminin dans un monde (celui du cinéma) particulièrement masculin et dans un pays qui a connu la dictature, mais surtout la domination patriarcale. On mesure ici les progrès ou les changements qui ont été accomplis depuis l’époque des généraux et des dictateurs. « Heureusement, les quelques hommes qui faisaient partie de l’équipe de Camila sortira ce soir étaient merveilleux et tout était très harmonieux. Mais je pense que si nous parlons d’un film sur la sexualité, sur les femmes… alors l’équipe doit être en phase avec cela. Je sais qu’il y a des réalisateurs qui ont des méthodes extrêmes pour obtenir le meilleur de leurs acteurs, mais ce n’est pas mon cas. J’aime travailler à partir de l’harmonie, du dialogue. Pour moi, le tournage est le moment le plus joyeux de ma vie, lorsque je fais ce que j’aime le plus au monde, c’est-à-dire écrire et réaliser. »