Une esthétique impressionnante, pour un cinéma hommage qui ne parvient pas à nous transmettre une réelle émotion.
Après 6 ans d’absence, date de son dernier long métrage In the cut (2003), Jane Campion revient sur grand écran dans son genre de prédilection, les films d’époques dramatiques en costume (La leçon de piano, Portrait de femme). Londres 1818. Bright Starévoque la relation amoureuse qui lia le poète à la reconnaissance posthume, John Keats, et Fanny Brawne, une jeune brodeuse effrontée, passionnée de couture. Jane Campion choisit de relater cette histoire à travers le regard de la jeune femme : « La retenue de la narration reflète la réserve qu’observe Fanny dans son existence ; elle fait écho à cette attitude passive d’une jeune femme de son époque attendant son destin, qui se consacre uniquement à sa vie familiale, à son obsession de la couture, et à des activités très réduites sous la surveillance d’un chaperon. »
Pourtant, si nous tombons sous le charme de Fanny, interprétée par la merveilleuse Abby Cornish, nous peinons à trouver un véritable engouement pour cette histoire. Bright Star est de ces films qui laissent perplexe. D’une esthétique impeccable, il nous porte dans un monde poétique fait de douceur et d’impressions. L’aiguille file, seule, sur l’ouvrage d’une blancheur immaculée, délicate et sensuelle, légère comme une valse, parenthèse temporelle ouvrant la marche d’un romantisme assumé. Fanny Brawne brode, éclairée d’une lumière douce et laiteuse, autant d’évocation d’une esthétique pure et minutieuse. Hélas, cette poésie qui guide la réalisation tombe vite dans les marques d’un symbolisme lancinant sans prise avec le réel. Les rapports sociaux des différentes familles sont flous, le quotidien de ces familles également.
Le thème de l’amour, terrain privilégié du cinéma et de la poésie aurait peut être mérité un traitement autre que le simple relatement des faits, qu’on pourra certes apprécier en tant qu’adepte de Keats. Car Bright Light est un véritable et sincère hommage à la langue de Keats et à sa personne, comme le montre le titre même du film, tiré d’un de ses poèmes aux diverses strophes allégoriques composant les chapitres. Le tout donnant l’impression d’un tableau figé dont le romantisme naïf ne permet pas au film de décoller.
Car tout y est charmant jusqu’aux personnages, que se soit Fanny Brawne, John Keats (Ben Whishaw) ou Mrs Brawne (Kerry Fox). Seul Mr Brown (Paul Schneider) tire son jeu des schémas édulcorés de ces autres compagnons. Il est le seul « méchant » du film. Un être ambiguë, égocentrique et jaloux. Pourtant malgré le peu d’intérêt que suscite le scénario, la mise en scène de Jane Campion, les décors et les costumes (Janet Patterson), notamment ceux imaginés par Fanny, la composition des cadres, la beauté de la lumière (Craig Fraiser, un jeune chef opérateur de 32 ans) travaillée comme le serait un tableau de maître en fait un pur bijou technique et esthétique. Un rendez-vous bucolique qui manque toutefois d’audace.
Par la satire sociale, cette comédie de moeurs tourne en dérision les travers de l’institution maritale. Entre Cendrillon et Le Roi Lear, la pochade étrille la misogynie patriarcale à travers la figure tutélaire de butor histrionique joué avec force cabotinage par Charles Laughton. Falstaffien en coffret dvd blue-ray.