Bas-Fonds

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Le troisième long métrage d’Isild le Besco clôt donc pour cette année le chapitre du « film de filles ». Au sortir, un seul désir : retourner voir « La Vie au Ranch ».

Après une stimulante Vie au ranch et de plus sinistres Filles en noir, le troisième long métrage d’Isild le Besco vient donc clore pour cette année le chapitre des « films de filles ». Souvent proche de l’abjection, Bas-Fonds s’impose comme l’œuvre terminale d’une volonté de « déglamourisation » du personnage féminin confinant ici à une trivialité au carré ne valant pas mieux. Trois jeunes filles apparemment sans attache squattent un appartement de banlieue, tout entières dévouées à un quotidien s’interdisant la transcendance. La bonne idée de Le Besco était a priori d’exposer ce statu quo sans chercher à y apposer un constat social, la moindre velléité d’échafaudage dramatique : ces filles vivent ainsi parce qu’elles l’ont choisi, point.

Sauf que, consciente que même sur une courte durée (un peu plus d’une heure) il serait difficile de ne miser que sur la seule exposition de ce « hors-monde », la cinéaste se sent obligée de pousser l’animalité de ces jeunes filles jusqu’à son comble, son point de rupture, les faisant ainsi commettre l’irréparable – un meurtre semble-t-il accidentel – pour amorcer bon an mal an l’hypothèse d’un passage, d’une évolution même fatale de leur situation. Tout Bas-Fonds se résume ainsi à cette trajectoire ô combien programmatique, le monde, la société, la loi faisant finalement irruption pour décider du sort des demoiselles ; le spectateur du nihilisme préalable n’étant quant à lui requis de nul autre effort que laisser le scénario suivre son gros fil blanc, à la rigueur soulagé de voir cette gynécée maléfique mise à mal, voire un peu amusé de découvrir l’hystérique et gueularde chef de clan muée en première communiante le temps de sa plaidoirie. Ou peut-être pas, qu’importe.

Bas-Fonds – dont le titre répond étrangement à celui du dernier Benoît Jacquot (Au fond des bois), dont Isild Le Besco était l’héroïne – pire qu’un mauvais film, est un objet dont la grossièreté, l’absence absolue de mise en scène n’a d’égale que la prétention (récurrente voix off de la cinéaste récitant un texte supposé conférer à ce néant un semblant de hauteur, de dimension métaphysique). Là où Demi-tarif (2003) et Charly (2007), sans garantir une réelle vocation de cinéaste, pouvaient intéresser par leur caractère un peu bricolé, trouvant dans le « sur le vif », l’urgence des gestes une esthétique en adéquation directe avec leurs très modestes moyens, ce dernier film pèse du poids d’une déconcertante volonté de faire de ce tout « à l’arrache » une déclaration d’art forcément à contre-courant de ce que l’on appelle communément le « cinéma français ».

Le plus insupportable, dans ce type de production, c’est justement cette arrogance consistant à s’autoproclamer, se vendre comme un cinéma qui « dérange », qui forcément déplaira au plus grand nombre en raison de son refus radical du beau, de conventions dramaturgiques et scénographiques archi-rebattues. Comme si désormais, il n’était possible de se distinguer que contre le reste du cinéma, et non simplement par la proposition d’un autre rapport à la scène, au jeu, au récit (La Vie au Ranch encore qui, s’il ne gagne pas forcément à s’imposer comme modèle, invite à voir et entendre un film autrement, sans surtout sembler s’enquérir d’un quelconque accusé de réception).

Saturation, hystérie et anti-naturalisme même pas brechtien (c’est à la rigueur la seule véritable audace : l’apparent plaisir de ses jeunes actrices à ne pas jouer en vue du titre de Meilleur Espoir féminin) sont ainsi le seul crédo d’un film tellement plein de ses refus qu’il omet finalement de s’aventurer en quelque direction. Sinon celle d’un sentimentalisme final achevant de confirmer un égarement artistique un peu désolant.

Titre original : Bas-Fonds

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Durée : 68 mn


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