Sur la route
Le film va se passer sur la route avec notre cinéaste et les trois amis dans une vieille Renault Espace en direction du sud de la France. À rebours des road-movies américains – Avant la fin de l’été fait plutôt penser au génial Plein de Super (Alain Cavalier, 1976) – le film à aucun moment ne passe par la violence ou la noirceur des sentiments. L’errance toute bucolique des trois garçons n’est jamais empreinte de colère, ni de dureté. Il s’agit plutôt de l’évocation simple de moments d’amitié, de rencontres avec des inconnu(e)s au gré d’un périple qui résonne aussi pour chacun des trois garçons comme une quête de soi, sans jamais qu’une individualité ne se détache du trio et ne cherche à se démarquer. La réalisatrice capte par petites touches délicates et sensibles le véritable sentiment de l’amitié. La virée est jalonnée d’étapes au cœur de la « France profonde » et sur le littoral méditerranéen, qui sont autant d’occasions de séquences remplies de poésie par leur simplicité et leur vérité documentaire. Comme ces scènes dans une fête foraine où Arash et une jeune fille rencontrée au hasard de la route volent dans la nuit sur un manège de balançoires lumineuses et tournoyantes. À l’instar de cette séquence lyrique et hyper réaliste dans un même mouvement, le récit de Goormaghtigh ne se départit jamais d’une grande finesse comme lors de cette autre scène où Ashkan, lors d’une fête de village, se trouve démuni pour aborder une jeune femme qui pourtant n’attend que cela.
Pays natal
Néanmoins cette virée va bien au-delà de la chronique de vacances improvisées entre amis. La question très grave du déracinement en est en fait le sujet central. Sujet universel, s’il en est, c’est aussi une question bien concrète qui se pose à Hossein sous la forme d’un cruel dilemme lorsqu’on apprend qu’il doit effectuer 3 ans de service militaire en Iran sous peine de voir sa famille à Téhéran être dépossédée de sa maison laissée en caution pour garantie du retour du sursitaire… Ou lorsque Arash évoque la difficulté de tisser des liens dans un autre pays que le sien. Le cas de conscience d’Hossein tout comme le vague à l’âme d’Arash, évoqués chacun très délicatement sans en faire le moins du monde des psychodrames, font partie des petits signaux que la réalisatrice a semé ici où là au cœur de son film pour évoquer le drame du déracinement, du mal du pays, comme du désir paradoxal de rester éloigné de ce pays natal. Ainsi il y a ce spectre de l’Iran qui traverse le film de part en part au gré des discussions ou comme avec ces incursions furtives dans le champ d’images du désert iranien alors que la voiture file au travers de paysages du Languedoc, donnant parfaitement l’idée que pour les trois jeunes iraniens leur terre natale est une donnée intime incessible. Là encore, Maryam Goormaghtigh procède avec une extrême finesse pour évoquer un sujet qui peut-être douloureux pour tout individu parti loin de chez lui et des siens.