Another Earth

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<< Me, myself and I >>… Du nombrilisme intersidéral.

La siamoise de Pluton et les mirages de soleils multiples sur Neptune n’ont plus de secrets pour elle. Elève brillante à peine rentrée au M.I.T., promise à un brillant avenir d’astrophysicienne, Rhoda Williams voit son destin basculer brutalement. Jupiter en Vénus lui promet quelques orages tourmentés… Si elle avait lu son horoscope ce soir-là, elle n’aurait sûrement pas pris sa voiture. Heureusement, la Lune conciliante révèlera au monde une issue inespérée : la découverte d’une autre planète, en tous points semblable à la Terre et habitée… par nos doubles. Un espoir de rédemption ?

Vertiges interstellaires

Sur les bases d’un scénario pour le moins singulier, Mike Cahill avait l’opportunité de jongler avec des sphères a priori éloignées : affres intimes et desseins cosmiques, mouvements de l’âme et trajectoires des planètes, salut de son karma et avenir de l’humanité. Si l’équilibre avait été maintenu, le film aurait pu être brillant. Mais la caution SF s’avère essentiellement décorative, éclipsée par les ego de deux intellos déchus malmenés, et malgré eux réunis par l’infortune. Car Another Earth, c’est aussi un peu Vis ma vie. Qui a été première de sa promo peut se retrouver à décrasser les chiottes de son ancien lycée. Qui fut un talentueux compositeur peut voir la chance se retourner contre lui, emportant famille et succès, laissant derrière elle une épave mal rasée et alcoolique.

On porte tous en nous la possibilité d’un loser traumatisé : et cette hypothèse d’une deuxième Terre sert surtout d’alibi à Mike Cahill pour étirer au maximum cette belle intuition toutefois traitée comme un poncif, lourdement appuyé par le personnage de l’homme de ménage indien à la sagesse forcément pénétrante, origines fakir obligent. Mike Cahill, complaisant, ne dépasse pas le narcissisme emprunté de ses personnages, confirmé par les monologues d’un narrateur superflu en voix-off, et quelques échanges chics et chocs agrémentés d’allégories platoniciennes ou autres paraboles d’astronautes. Finalement, « Moi-je » sur Terre 2 : comment ce serait ? A un moment, Rhoda émet l’idée que le simple fait d’appeler cette deuxième planète Terre 2 puisse être franchement anthropocentrique, une forme d’égocentrisme généralisée à l’homme en somme. Cela dit, la réflexion reste artificielle dans la mesure où l’intrigue elle-même utilise l’argument de cet ailleurs jumeau comme une échappatoire, évitant à Mike Cahill de trouver une réelle conclusion à son film, stérile.
 
 

Un ticket pour l’espace

L’hypothèse du clone raté qui sommeille en nous restera donc en plan au profit de la chronique d’une collision psychique douloureuse entre les deux protagonistes, elle-même éludée par la fuite en avant de ces derniers. La surprise faussement habile qui nous est réservée à la fin ne suffira pas à faire diversion. Nous restons cois sur Terre 1, frustrés par la vanité de cette histoire. Ne reste plus qu’à se satisfaire de quelques effets formels timorés : des plans satellites noirs et blancs de Jupiter et sa tâche rouge en mouvement accéléré, ou les exploitations du ralenti évoquant l’apesanteur sur la Lune, afin de matérialiser le décalage post-traumatique entre Rhoda et son propre univers, auquel elle semble être devenue totalement étrangère. Cela dit, Mike Cahill a peut-être réussi à se transcender sur une autre planète. A suivre, dans l’infini et au-delà…

Titre original : Another Earth

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Durée : 103 mn


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