La relative fadeur du traitement s’apparente au compromis maladroit d’une jeune cinéaste qui n’assume peut-être pas totalement la charge subversive de son propos. En effet, pour un premier long métrage, A girl at my door témoigne par ses thématiques d’une réelle volonté de bouger les lignes dans une société sclérosée (la Corée). A travers le parcours d’une héroïne qui manque un peu de relief (elle a tendance à exister plus comme idée que par elle-même), la cinéaste pointe du doigt l’ostracisme d’une population (les homosexuels), et traite en filigrane la question de leur propension à muer en figure parentale. Young-Nam transcende néanmoins son statut de simple faire-valoir d’une problématique sociale au contact de Dohee : elle est à la fois plus et moins qu’une mère – davantage une confidente complice, un alter ego protecteur.
Brillamment interprété par Bae Doona et Kim Sae-Ron, A girl at my door affirme résolument sa prédilection pour un cinéma de personnages, du haut duquel trône une personnalité fascinante, celle de la petite fille. Figure archétypale du souffre-douleur, elle échappe progressivement aux étiquettes, pour atteindre une zone de flottement potentiellement dérangeante, faite de carences affectives et de manipulation torve, allant jusqu’à réactiver une certaine imagerie du cinéma d’horreur (l’enfant maléfique) tout en charriant de passionnantes interrogations (dans quelle mesure met-elle en scène son propre statut de victime ?). Si la sexualité est rendue palpable par son absence même, la cinéaste infuse un certain trouble dans le comportement de la jeune fille vis-à-vis de Young-Nam (la très belle scène du bain). A ce duo principal qui vampirise le récit répond une galerie de personnages secondaires quelque peu sacrifiée, notamment le père et la grand-mère, caricaturés jusqu’au grotesque dans leurs travers, et s’inscrivant en cela dans la lignée des figures parentales despotiques peuplant le cinéma coréen actuel.
Dans un dernier acte culotté, A girl at my door trahit quelque peu sa sobriété pour accéder à une dimension plus directement provocatrice, en confrontant loi et morale à leur propre impuissance. C’est justement au moment où il cède à ces instances plus spectaculaires que le film échappe à la voie toute tracée du drame social un brin psychologisant mais surtout assez banal. En cela, il renoue avec le code génétique de toute une veine du cinéma coréen, hanté par l’ambiguïté morale. Et le film de se conclure comme il a commencé – un trajet en voiture abrité du tumulte extérieur (une pluie diluvienne) – en une sorte d’écho inversé : au parcours imposé et balisé d’une solitude se substitue l’échappée libertaire de deux parias, en quête d’un horizon moins nuageux. Pas certain que la lumière soit au bout de la route, mais Young-Nam ne sera désormais plus seule à affronter la rudesse du monde.