Yaaba

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Un magnifique récit initiatique et un bel hymne à la tolérance.

Yaaba est le second film d’Idrissa Ouedraogo, qui sera pour lui le film de la reconnaissance internationale avec le Prix de la Critique remporté au Festival de Cannes en 1989). Le film offre ici une sorte de pendant africain à Du silence et des ombres de Robert Mulligan (et par prolongement au roman Ne tirer pas sur l’oiseau moqueur de Harper Lee, référence certainement consciente de Ouedraogo qui fit une partie de ses études en Occident) par son idée de parcours initiatique d’un enfant découvrant l’injustice du monde des adultes.

Il s’agira ici du jeune Bila, garçon qui va se lier d’amitié avec Sana, vieille femme traitée en paria au village et accusée de sorcellerie. Ouedraogo tisse la connivence entre les deux personnages par l’image dès la scène d’ouverture où Sana participe à distance à la partie de cache-cache entre Bila et sa cousine Nopoko. Le découpage et le champ contre champ noue cette complicité entre la bienveillance candide de la vieillarde et la candeur des enfants. Cette relation semble impossible avec les adultes, Ouedraogo jouant cette fois à nouveau par l’image sur cette connexion absente. Sana arpente les plaines environnantes du village, stoïque et fuyant le regard inquisiteur et chargé de haine des villageois fixé sur elle.

La relation tendre entre Bila et Sana se noue en parallèle de la découverte du quotidien du village et des interactions tumultueuses entre ses habitants. Le verbe entérine la dimension filiale de Bila et Sana quand ce dernier l’appelle « Yaaba » (soit grand-mère en dialecte) et lui donne une humanité qui lui était refusée. Ce même verbe est bien plus blessant, médisant et violent chez les adultes dont on observe les amours contrariés, les luttes de pouvoir et contradictions. Ouedraogo fustige l’autoritarisme masculin et place l’intelligence et la malice du côté féminin dans les tumultueuses relations de couples observées  – cet époux expulsant sans scrupule femme et enfant de son domicile, la malice entre Nopoko et Bila. Plus largement la clairvoyance viendra des « parias » et/ou des supposés faibles. Cela se concrétise lorsque Nopoko tombe malade, les moins considérés que sont les enfants (Bila), les femmes (la mère de Bila) et les exclus (Sana et Noaga l’alcoolique moqué du village) sachant reconnaître la seule voie de guérison quand les hommes accrochés à leurs préjugés suivent les préceptes d’un charlatan.

La facture formelle superbe contribue à l’atmosphère envoûtante du film. Comme dans plupart des films d’Ouagraogo l’histoire se déroule dans sa région natale d’Ouahigouya au Burkina Faso. Si la description des tâches quotidienne s’inscrit dans une certaine veine documentaire, l’atmosphère qu’instaure la photo de Matthias Kälin (et les teintes étranges du sable sahélien), les longs plans fixes scrutant accompagnants les silhouettes dans le lointain donnent une tonalité ramenant à cette idée de conte initiatique. La conclusion est particulièrement poignante, la séparation fonctionnant à nouveau par une connexion visuelle brisée et un contrechamp désormais impossible lors de l’ultime visite de Bila à Sana dont nous apprendront enfin l’injuste motif d’exclusion.

Titre original : Yaaba

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