L’intrigue du film de l’Irlandais Lenny Abrahamson (Adam & Paul, 2004 ; Garage, 2008) se résume à son titre, What Richard Did. Cette question se concentre sur le personnage principal et la clef de voûte de l’intrigue : un acte qui déterminera la progression du scénario. La présence redondante de Richard dans le moindre plan anéantit malheureusement trop vite la valeur dramatique des autres personnages. Ses amis, parents et coéquipiers, influencent, malgré leurs apparitions trop vives et trop soudaines, son comportement et participent de sa métamorphose. De plans larges répétitifs, Lenny Abrahamson va alors opter pour des plans plus resserrés sur les visages des personnages comme pour atteindre leur psychologie la plus profonde. Les langues se délient, les attitudes changent, le jeu des acteurs se veut plus convaincant et mûr, révélant leurs failles et leurs vrais visages. Ces destins brisés vacillent autour d’un Richard passant d’un comportement apeuré se recroquevillant sur lui-même à une rage incontrôlable. Accompagnant la prestation éclatante de Jack Reynor, la couleur claire et lumineuse de l’image tend petit à petit vers un gris terne et pluvieux traduisant son état d’esprit rongé par la culpabilité et l’irréalisme de la situation.
Lenny Abrahamson condamne son personnage principal à errer dans une éternelle culpabilité, ne laissant que peu de place à la rédemption. D’une maturité fébrile à une prise conscience violente, What Richard Did n’est autre qu’un voyage initiatique marqué par un réalisme déconcertant n’atteignant jamais son apogée dramatique. Car sous ses airs de force tranquille, Richard n’en est pas moins un « enfant » tremblotant qui ne trouve pas la force d’affronter cette bourrasque. La nature environnante, vagues houleuses et herbes hautes portées par un vent violent en passant par les grains de sable lacérant la peau, traduit la douleur de Richard, incapable de prononcer le moindre mot. Elle est alors utilisée comme le symbole d’une déchéance intérieure telle qu’il semble préférable de l’imager plutôt que de la montrer dans son état le plus brutal. Frôlant à quelques reprises une folie passagère, Richard prend conscience de la mue qui s’opère en lui et devient enfin un adulte à part entière.