Wedding doll

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Un premier long métrage poétique et doux-amer.

Dans un coin d’Israël aux bordures désertiques, Hagit (Moran Rosenblatt), vêtue d’une robe rose vif et d’un gilet en peluche violette, marche d’un pas décidé vers son travail, une usine de papier. La jeune femme a dupé sa mère Sara (Assi Levi), qui met un point d’honneur à l’accompagner en voiture tous les matins,par peur de laisser sa fille pourtant adulte, livrée à elle-même. La souriante Hagit apparaît comme un personnage vivant mais candide, fragile et pas totalement autonome. C’est autour d’elle que Nitzan Gildady a construit son premier long métrage. Obsédée par le mariage, Hagit passe son temps à fabriquer des mariées en papier toilette et sa chambre est recouverte de prospectus de mariage. Lorsqu’elle fait la connaissance d’Omri (Roy Assaf), le fils du propriétaire de l’usine, Hagit focalise sur ce collègue de travail et imagine son mariage avec lui. A partir de cette trame narrative mince, le cinéaste construit une oeuvre poétique, nourri de la visualité de ses plans.

 


Le désert du Néguev à la place des mots

Les scènes de Wedding Doll se répartissent entre le petit appartement où logent Hagit et sa mère, l’usine, et le désert du Néguev, où travaille Sara, dans un luxueux hôtel qui donne vue sur l’immensité de sable. Le découpage des plans est précis, géométrique, fait de cadres enserrant cette géographie particulière au sein de laquelle est tourné le film. Comme l’explique Nitzan Gilady, Hagit se trouve toujours « au bord du cadre ». Il y a une sensation d’étrangeté poétique à voir cette alternance entre la vie compartimentée de l’usine où Hagit travaille, rêve, et fabrique ses mariées, et les étendues du désert du Néguev, dans une forme d’austérité qui sied davantage à sa mère, Sara, mais également d’une sensation aérienne et ouverte. C’est à travers ses images, ses compositions d’espace et de couleurs, que le film tisse son récit, plutôt que par sa matière discursive, dont il fait l’économie. N’étaient la sensibilité palpable de sa mise en scène, ses décors et détails qui dressent les contours des personnages, le film de Nitzan Gilady pourrait demeurer à un seuil poseur, composé d’une succession de tableaux.

 



 


Nitzan Gilady arrive à représenter la différence d’Hagit avec délicatesse, sans pour autant l’approfondir véritablement, en la mettant en scène par petites touches (les énervements impulsifs d’Hagit, sa naiveté), parfois au risque d’une incarnation floue, tatônnante. La discrimination que cette différence entraîne (on apprend que c’est depuis qu’Hagit a été agressée par des enfants chez elle, que sa mère refuse de la laisser seule) crée un coeur malaisant dans le film, raccordé à une société conventionnelle et très fermée (le père d’Omri empêche son fils de revoir Hagit, sa mère a l’idée d’un mariage arrangé,…) en bute avec le caractère d’Hagit. Peut-être que le cinéaste aurait pu creuser davantage cette voie dont on pressent qu’elle est au coeur de son film : un registre poétique au fond lourd, celui qui voit Hagit dans une robe de mariée faite de rouleaux de papier toilette, errée dans la nuit, blessée et seule.

Titre original : Hatuna MeNiyar

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Acteurs : ,

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Durée : 82 mn


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