Viver Mal/ Mal Viver en V.O.D. chez UniversCiné.

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Ours d’argent à la Berlinale 2023, un diptyque sous la forme d’un jeu de miroirs glaçant.

Sur la côte nord du Portugal, dans un hôtel discret mais non dénué d’un certain standing,  clients et propriétaires des lieux vivent en vase clos leurs drames personnels. Par sa volonté de dilater inexorablement le temps pour sonder les doutes et laisser au destin le mot de la fin, le double programme Mal Viver et Viver Mal prend place aux côtes des deux plus beaux et sinueux trajets de 2023 : Trenque Lauquen (Laura Citarella) et Fermer les yeux (Victor Erice), et celui prévu par Los Delicuentes (Rodrigo Moreno) dans quelques semaines. À la différence de ces trois références, João Canijo confinent ses personnages dans un espace spatio-temporel réduit; dans le complexe hôtelier, en une poignée de jours, des vies vont basculer. Dans ce contexte étouffant, les tensions existentielles ne peuvent trouver aucune autre issue que l’explosion : plus ou moins tardive, plus au moins violente, plus au moins définitive. Jouant sur la répétition des situations, au risque de nous faire parfois perdre patience ; la mise en scène de Canijo vise l’épiderme bien plus que la raison. La structure de l’hôtel et ses larges baies vitrées constituent un malicieux laboratoire dans lequel la caméra s’immisce avec une savante variation des points de guet, et lorsqu’elle caresse une de ses proies, le temps ne compte plus. Les jeux de miroirs, reflets des égotismes, se multiplient. Sous leur forme moderne : les réseaux sociaux que l’influenceuse doit nourrir en permanence, avec le même visage béat, qu’elle soit dans le haut de la vague ou dans le creux de sa vie. Sous leur forme psychanalytique, confessions et confrontations au cœur des cellules familiales  usées jusqu’à la corde. Jeux de miroirs entre ces différents portraits qui finissent par imprimer au final la même image douloureuse.

 

Au niveau de la construction, Viver Mal se distingue par son découpage en trois chapitres, consacrés successivement aux différents groupes de convives. : une influenceuse et son conjoint photographe, un couple hétéro et la mère de la jeune femme, un couple  féminin, accompagné par l’une des mères. Ce fractionnement allège le poids des tensions dramatiques, au même titre que quelques saillies humoristiques, fruits de la suffisance des bourgeois ou autres nantis du système venus se retirer pour s’exhiber. Mais, le constat final penche sans ambiguïté vers le même abyme.  Pour chacun des trois stéréotypes de notre société actuelle, le bonheur n’est tout au plus qu’un embryon d’illusion, incapables d’ apprécier tout ce dont ils disposent à porter de main : la célébrité, l’argent, la famille… L’autre volet, Mal Viver, s’attache à suivre le quotidien des cinq femmes propriétaires des lieux qui tentent tant bien que de mal de gérer un patrimoine hôtelier en déliquescence. Le deuil qui vient de toucher la famille  aggrave un mal être héréditaire qui s’exprime ici sur trois générations. La figure de la mère nocive contamine chacun des destins des deux films. Mères apparemment insensibles -mais cependant intrusives- dans Mal Viver, Mères succubes dans Viver Mal. « L’amour est une arme » dénonce l’une des jeunes victimes. L’absence de la figure paternelle et la piètre expression de la virilité masculine, par l’entremise du photographe interprété par Nuno Lopes, ne cherchent ni à faire pencher la balance de l’autre côté ni à introduire un souffle d’espoir. Ce diptyque sec et très élégamment photographié – riche de surimpressions et reflets – possède le grand mérite de ne pas chercher à être aimable à tout prix.

 

Viver Mal/ Mal Viver en V.O.D. chez UniversCiné.

 

 

 

 

 

Titre original : Viver Mal/ Mal Viver

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Durée : 124 et 127 mn


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