Vacances romaines

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Ressortie de la gentille romance estivale dans les rues de Rome qui fit d’Audrey Hepburn une véritable icône.

La jeune princesse Anne (Audrey Hepburn), en pleine tournée des capitales européennes, arrive à Rome et semble s’ennuyer. Écrasée par le protocole, par l’obligation de faire bonne figure, la jeune femme cherche à tout prix un moyen de s’échapper. Jouer avec ses souliers sous sa robe lors d’un ennuyeux bal, faire une crise de nerfs le soir venu au moment de se coucher… La jeune femme est une gamine. Pour s’échapper de tout ce qui la pèse, elle va devoir grandir, s’éloigner de sa famille, de ses valets et de son palais. Quitter le cocon royal et partir se balader au milieu de gens qui ont l’habitude de s’agenouiller devant elle. Se promener dans les rues d’une belle ville par exemple voir même y trouver l’amour. Ça tombe bien, Rome et Joe (Gregory Peck) n’attendent qu’elle.

William Wyler a souhaité tourner dans la capitale italienne même et cela se ressent durant toute la vision du film. D’une part car la légèreté, la fraîcheur des plans extérieurs, donnent au film une véritable sensation de liberté, une vie qui n’aurait pu qu’être difficilement retranscrite ailleurs qu’à Rome. D’autre part, tellement heureux d’avoir convaincu les producteurs de le laisser tourner en Europe, Vacances romaines peut donner l’impression de se transformer par moments en petite balade touristique sans grand intérêt. La ville-monument se laisse découvrir au rythme d’Anne, princesse ingénue qui roule les yeux devant le temple de Saturne, face à la fellinienne fontaine de Trevi, devant le Colisée ou au bord du Tibre. Ce qui aurait rapidement pu devenir laborieux se laisse pourtant vivre naturellement grâce aux deux acteurs principaux.

Audrey Hepburn trouve ici son premier grand rôle et joue tout à la fois la petite princesse capricieuse, la jeune femme manipulatrice, la séductrice. En ces deux heures qui lui vaudront un Oscar, se construit déjà devant nous ses deux Billy Wilder (Sabrina, 1954 ; Ariane, 1957) et ses rôles de femme enfant, gauche et fatale (Breakfast at Tiffany’s – Blake Edwards, 1961 ; Charade – Stanley Donen, 1963 ; My Fair Lady – Georges Cukor, 1964 ; et cætera). Portée par un jeu naturel irrésistible (quelques scènes improvisées resteront au montage dont les très belles minutes près de la Bouche de la Vérité), difficile d’imaginer une autre actrice réciter ses mensonges. Gregory Peck lui, dans son rôle de journaliste américain en quête de scoop, parvient aisément à ne pas disparaître derrière la jeune actrice. Sans cesse étonné par l’audace de la jeune femme, par sa soif de vivre, il fait bien plus que la suivre. C’est lui qui, la prenant par la main, lui fait visiter cette Rome qu’il voit également à travers des yeux d’expatrié. Mais plus encore que le jeu de Gregory Peck et Audrey Hepburn, c’est les liens qui les unissent qui rendront le couple si juste, si évident.

 

En effet, le scénario de Dalton Trumbo (alors en plein dans la tourmente du maccarthysme) et la mise en scène de William Wyler n’auront de cesse de rapprocher les deux amoureux. Les rapprocher jusqu’à ce que Rome cesse d’être un troisième personnage gênant mais, les laissant seuls, devienne enfin le décors qu’elle aurait dû être dès le départ. D’ailleurs, passées les scènes en scooter et les verres en terrasses, les plus beaux moments de Vacances romaines se font sans Rome mais dans la chambre de Joe. Quand Anne, droguée, s’endort sur le lit du journaliste ; quand elle se réveille se croyant dans son palais ; quand elle se fait expulser de la salle de bain par une femme de ménage italienne à la forte gouaille. Anne et Joe s’amusent à se balader dans Rome. L’un cherchant un scoop et mentant à la belle sur sa profession et l’autre découvrant la vie, n’avouant jamais son rang. Ils s’amusent et nous aussi. Mais c’est seulement en espace clos, dans l’appartement de Joe ou dans le final au palais, qu’une véritable tension apparaît entre eux. William Wyler est à l’aise dans cette Rome de carte postale mais se laisse sans cesse submerger par toutes les beautés qui l’entourent. Vacances romaines aurait pu être sous-titré Un américain à Rome tellement le réalisateur semble vouloir en ramener des souvenirs de vacances. Pourtant dans un ultime sursaut, Wyler se démarque de la classique comédie romantique américaine et refuse le happy end. Anne retourne à sa condition, Joe à son journal. Le film se referme sur eux rendant leur histoire, leur journée, impérissable. Sans réelles surprises mais rafraîchissantes, ces Vacances romaines sont un peu les nôtres. Et même s’il n’est pas un très grand film, c’est sans doute pour cela que l’on ne l’oublie pas.

Titre original : Roman holiday

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Durée : 119 mn


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