Une femme sur le toit

Article écrit par

Constat tendre et désenchanté de la condition féminine en Pologne.

Un film qui questionne en silence

Inspiré d’un fait divers survenu en 2011, ce film raconte l’histoire de Mirka (interprétée par Dorota Pomykala, célèbre actrice polonaise), une sage-femme d’une soixantaine d’années. La note d’intention de la réalisatrice, diplômée de l’École de cinéma de Łódź et de la Wajda Masterschool of Directing et dont c’est le sixième long-métrage, est claire sur le thème de ce film : « La situation des femmes en Pologne et dans de nombreux pays demeure très difficile. Une femme sur le toit questionne le sort de celles encore « condamnées » par le poids des mœurs et des coutumes à tenir, seules, la place de gardiennes du foyer. Pour Mirka, cette situation est évidente et elle n’a même pas l’idée de la remettre en question. » 

Une belle lumière crue

Pourtant, il ne faut pas s’attendre à un brûlot féministe. Le film avance par petites touches impressionnistes, dans une lumière et des couleurs pastels, comme pour atténuer la violence du récit d’une fade vie de ménagère et travailleuse au coeur de la Pologne, à la manière de la célèbre chanson de Jean Ferrat, On ne voit pas le temps passer. Empli d’une douce mélancolie, laissant le talent de Dorota Pomykala se déployer dans toutes ses touches délicates, Une femme sur le toit raconte une histoire ordinaire mais d’une façon extraordinaire, à moins qu’il ne s’agisse du contraire. Malheureusement, on ne peut dévoiler l’intrigue mais chacun trouvera un intérêt autant à la peinture d’une vie modeste polonaise et à ses petites touches réalistes qui lui apportent une sensibilité particulière sans nul besoin de déployer de longs discours et des constats sociaux. 

Figure féminine complexe

« En réalisant ce film, j’ai voulu montrer une figure féminine complexe qui, malgré un rôle social crucial et des besoins affectifs personnels réprimés au fil des ans, finit par trouver le courage de prendre la parole », explique Anna Jadowska. Riche de lumières grâce à la directrice de la photographie, Ita Zbroniec-Zajt, et de rebondissements narratifs, notamment des plans d’une rare beauté sur un lieu qui, en soi, n’a rien de poétique (le toit d’un immeuble banal) à la fois lieu de refuge, de refus et de désespoir d’une femme qui résonne avec le personnage incarnée par Sophia Loren dans le magnifique film, Une journée particulière. 

Le profil d’une actrice

Les acteurs aussi contribuent à apporter au film un sens et une finalité par un jeu subtil et puissant à la fois. On retiendra ainsi l’interprétation intense des deux acteurs masculins, le père un peu blasé par l’attitude de sa femme, Bogdan Koca, et le tendre fils qui choisira finalement de partir, Adam Bobik. Et, bien évidemment, la grande actrice, Dorota Pomykała, qui porte tout le film par son talent et l’ardeur qu’elle met dans ce rôle. « Ita, qui est une directrice de la photographie très décidée, a suggéré que l’on fasse beaucoup de plans de profil de Dorota Pomykała qui interprète Mirka déclare la réalisatrice du film. Je n’y avais pas pensé avant, mais ils donnent au personnage une présence très forte. Nous suivons aussi Mirka à distance à travers tout le film, presque à la manière d’un documentaire et ne regardons que rarement dans ses yeux. » Un film à mettre pourtant devant tous les yeux à la fois pour rêver d’un autre monde et mieux croire à la tendresse humaine et à la rédemption. 

 

Titre original : Kobieta na dachu

Réalisateur :

Acteurs : , ,

Année :

Genre :

Pays :

Durée : 95 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

Journal intime

Journal intime

Adapté librement du roman de Vasco Pratolini, « Cronaca familiare » (chronique familiale), « Journal intime » est considéré à juste titre par la critique comme le chef d’œuvre superlatif de Zurlini. Par une purge émotionnelle, le cinéaste par excellence du sentiment rentré décante une relation fraternelle et en crève l’abcès mortifère.

Été violent

Été violent

« Eté violent » est le fruit d’une maturité filmique. Affublé d’une réputation de cinéaste difficilement malléable, Zurlini traverse des périodes tempétueuses où son travail n’est pas reconnu à sa juste valeur. Cet été
violent est le produit d’un hiatus de trois ans. Le film traite d’une année-charnière qui voit la chute du fascisme tandis que les bouleversements socio-politiques qui s’ensuivent dans la péninsule transalpine condensent une imagerie qui fait sa richesse.

Le Désert des tartares

Le Désert des tartares

Antithèse du drame épique dans son refus du spectaculaire, « Le désert des Tartares » apparaît comme une œuvre à combustion lente, chant du cygne de Valerio Zurlini dans son adaptation du roman éponyme de Dino Buzzati. Mélodrame de l’étiquette militaire, le film offre un écrin visuel grandiose à la lancinante déshumanisation qui s’y joue ; donnant corps à l’abstraction surréaliste de Buzzati.