Une chinoise

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Nous racontant l’errance d’une jeune fille de Chongqing à Londres, c’est le portrait de toute une génération qu' »Une Chinoise » dresse au final.

Après le sulfureux Nuits d’Ivresse printanière de Lou Ye, Une chinoise dévoile à son tour la formidable vitalité de cette nouvelle génération de cinéastes. Plus qu’une énergie en mouvement, des films qui se jouent des normes formelles et de la censure, ce cinéma traduisant bien les changements radicaux de la société chinoise continentale. Il nous apprend notamment qu’existe dorénavant une jeunesse urbaine n’ayant pas les références idéologiques de la période communiste – les étudiants de Tien Anmen n’étant plus tout à fait des gamins –, plus capitaliste dans l’âme encore que l’occidentale et vouée au consumérisme. C’est un portrait de cette génération mondialisée, d’un immense pays devenu en deux décennies à peine le centre du monde que réalise la jeune réalisatrice Guo Xialu, par le prisme de l’errance d’une jeune fille, Mei, incarnée par la prometteuse Huang Lu.

Mei vit à la campagne, lieu de naissance et point de départ d’un vagabondage qui va la mener jusqu’à Chongqing (grande ville chinoise), puis à Londres. Ce qui frappe le plus dans ce récit, c’est la mobilité du personnage, sa facilité à aller d’un endroit à l’autre. Une certaine forme de liberté saute aux yeux, Guo Xialu semblant avoir recherché cette impression de fluidité, montrant une facilité des déplacement contribuant, si besoin était, à casser une bonne fois pour toute une  vision très occidentale. Celle de l’immobilité d’une Chine fliquée, ou l’Homme serait assujetti à un espace donné, un lieu de résidence bien défini. De cette native campagne, lieu de départ de la narration, Mei immigre donc sans encombre vers la grande ville. Saisie par la fièvre de cette dernière, la jeune fille rencontre vite un jeune amant au passé trouble qui mourra dans ses bras. Nantie du trésor de guerre du défunt mafieux, elle décide de partir pour Londres. Dans cette première partie sont évoqués pêle-mêle et un peu superficiellement la jungle urbaine, ses vices et sa cruauté ; une sexualité brûlante aussi, renvoyant un peu au dernier film de Lou Ye. Mais dans Nuit d’ivresse, sorte de Jules et Jim homosexuel, perçait une puissance d’évocation et de fièvre dans la jouissance des corps que l’on ne retrouve pas dans Une chinoise.

Un film punk

L’étude psychologique de Mei, jeune fille au visage mélancolique et en même temps emprunt d’une grande détermination, est en revanche remarquable, montrant en creux, à partir d’un individu, le visage d’une génération toute entière. En quelques séquences, la réalisatrice dresse non seulement un portrait de la jeunesse chinoise contemporaine, mais aussi d’une jeunesse universelle, nomade, insaisissable au visage déterminé et désabusé. La grande force d’Une chinoise réside dans sa linéarité, la manière dont Guo Xialu montre que rien ne change finalement, d’un fuseau horaire à l’autre, dans le quotidien de son héroïne. Elle reste une individualité dominant en quelque sorte son environnement, s’y adaptant aisément. Rien ne s’oppose à sa fuite permanente, sa froide et insensible dérobade. Autre force : un parfum de vérité découlant du savoir que l’histoire est fortement inspirée de la vie de la réalisatrice.

Modestement mis en scène, ce film prend toute son importance par le truchement de la fuite sereine et grave de Mei, consommant le présent, rejetant toute forme de souvenir – comme lorsqu’elle balance soudain dans un canal londonien le journal de son compagnon. Disons pour conclure qu’en définitive, avec une bande-son survitaminée confiée à John Parrish, compagnon de route de PJ Harvey, parsemée de chansons de groupes de rock chinois, Guo Xiaolu signe un parfait film punk.

Titre original : She, a Chinese

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Durée : 98 mn


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