Un monstre à Paris

Article écrit par

Dans le Paris inondé des années 1910, une étrange créature voit le jour. Entre le cabaret où il va se cacher et le duo swinguant qu´il va former avec la jeune et jolie Lucille, le monstre n´en restera pas un très longtemps…

Après avoir fait ses premiers pas chez Disney, Bibo Bergeron rejoint le studio Dreamworks, où il dirige un film d’animation traditionnel, La Route de l’Eldorado (2000), avant Gang de requins en 2004.

Réalisation française, Un monstre à Paris possède une vraie singularité de par sa composition graphique, qui nous offre un mélange de références et de formes inattendues. Art Nouveau et Art Déco s’entremêlent, le style du film étant ancré dans l’époque et le lieu où se situe son récit : le début du XXe siècle à Paris. Les décors et arrière-plans ont ceci de particulier qu’ils semblent être conçus comme des tableaux peints, ressemblant ainsi à des décors de théâtre, sortes de trompe-l’œil poétiques. A ce style traditionnel, faisant référence au travail d’artiste-artisan (peintres, marionnettistes…), s’adjoint alors celui plus purement cinématographique de la 3D. D’un point de vue technique, Bibo Bergeron n’utilise pas la 3D pour en mettre naïvement plein les yeux, maniant au contraire l’outil avec subtilité. Son utilisation de la 3D défend le souci de l’illusion et non celui de l’hyper réalisme, l’esprit « dessin animé » restant ainsi privilégié.

Clairement inspiré des films fantastiques des débuts du cinéma, Un monstre à Paris prend plaisir à mettre en avant certains aspects du genre, de la présence du savant fou à la naissance de la Créature. Francoeur, en hommage au nom du passage parisien où Lucille et lui se sont rencontrés, est une puce géante absolument inoffensive dont les Parisiens ne voient évidemment que l’aspect monstrueux. Ce n’est que flanqué d’un masque et d’un tailleur masculin, que Francoeur pourra passer inaperçu et se produire sur scène aux côtés de la jeune femme. Il y a quelque chose du fantôme de l’Opéra dans Francoeur. La communication entre la créature et le reste du monde – somme toute limitée – ne fonctionne qu’en paroles, elles-mêmes fondées sur un rythme, un tempo, une musique donnant alors au film un ton musical, à travers le duo Vanessa Paradis-Lucille/Mathieu Chedid-Francoeur.

Aussi bien au niveau du fond que de la forme, chaque caractère est finement travaillé, chacun des personnages, du comique Raoul au cinéphile Emile, en passant par l’aigri Alfred, possède un ton, une couleur. L’influence « disneyienne » est indéniable et assumée à travers ces personnages à la fois burlesques et caricaturaux, qui trouvent leur équilibre entre jeux de mots et marques d’humour loufoque, histoires de désamour et puis d’amour.

Même si le film ne s’attarde pas en mièvreries et envolées trop lyriques, il n’échappe pas à un aspect moralisateur évident. La lutte est toujours menée en faveur de la victoire du bien sur le mal, de la défense du plus humain (qui ne s’avère jamais être celui qu’on croit) face au méchant en quête d’un pouvoir toujours plus absolu. Et quand vient la fin, on n’est pas surpris de constater que plus que jamais, tout est bien qui finit bien.

Titre original : Un monstre à Paris

Réalisateur :

Acteurs : , , ,

Année :

Genre :

Durée : 82 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

L’étrange obsession: l’emprise du désir inassouvi

L’étrange obsession: l’emprise du désir inassouvi

« L’étrange obsession » autopsie sans concessions et de manière incisive, comme au scalpel ,la vanité et le narcissisme à travers l’obsession sexuelle et la quête vaine de jouvence éternelle d’un homme vieillissant, impuissant à satisfaire sa jeune épouse. En adaptant librement l’écrivain licencieux Junichiro Tanizaki, Kon Ichikawa signe une nouvelle « écranisation » littéraire dans un cinémascope aux tons de pastel qui navigue ingénieusement entre comédie noire provocatrice, farce macabre et thriller psychologique hitchcockien. Analyse quasi freudienne d’un cas de dépendance morbide à la sensualité..

Les derniers jours de Mussolini: un baroud du déshonneur

Les derniers jours de Mussolini: un baroud du déshonneur

« Les derniers jours de Mussolini » adopte la forme d’un docudrame ou docufiction pour, semble-t-il, mieux appréhender un imbroglio et une conjonction de faits complexes à élucider au gré de thèses contradictoires encore âprement discutées par l’exégèse historique et les historiographes. Dans quelles circonstances Benito Mussolini a-t-il été capturé pour être ensuite exécuté sommairement avec sa maîtresse Clara Petacci avant que leurs dépouilles mortelles et celles de dignitaires fascistes ne soient exhibées à la vindicte populaire et mutilées en place publique ? Le film-enquête suit pas à pas la traque inexorable d’un tyran déchu, lâché par ses anciens affidés, refusant la reddition sans conditions et acculé à une fuite en avant pathétique autant que désespérée. Rembobinage…