La comédie du malheur
Film politique sur le Brésil, présenté cependant comme une comédie, le huitième film de la réalisatrice brésilienne Sandra Kogut, venue du documentaire, parle à demi-mots de la crise qui a amené l’extrême droit au pouvoir, en raison de la corruption généralisée qui a entraîné nombre de faillites et d’emprisonnements. La gouvernante Mada, et sa petite équipe, gèrent la luxueuse résidence familiale d’Edgar et Marta qui, tous les étés, y organisent une grande fête. Nous allons suivre ces agapes pendant trois étés qui, peu à peu, vont devenir tristes, puis tragiques. « Nous avons assisté ces dernières années au Brésil à de nombreux événements politiques assez dramatiques, déclare la réalisatrice dans le dossier de presse du film. On dit souvent – en ne plaisantant qu’à moitié – que s’il y a quelques années les Brésiliens savaient par coeur les noms de chaque joueur de football de l’équipe nationale, maintenant ce sont les noms des onze juges de la Cour Suprême que tout le monde connaît. » C’est donc de cela qu’il s’agit ici, des malversations, des abus de pouvoir, des détournements de fonds que la bourgeoisie locale pensait pouvoir continuer en toute impunité. D’ailleurs, à un moment du film, lorsque la gouvernante Mada, pour trouver un peu d’argent afin de payer son équipe quand ses patrons sont en prison, transforme le yacht familial en bateau de croisière, elle fait visiter aux touristes ébahis, non pas les merveilles du lieu, mais montre sur la côte les maisons abandonnées par leurs propriétaires en prison. Les seules à être encore entretenues sont celles qui appartiennent aux étrangers.
Régina Casé en majordome émouvant
Tout le film repose sur Mada, interprété par Regina Casé, une star brésilienne très connue dans ses rôles à la télévision, pour sa manière un peu magnanienne de jouer la comédie entre tendresse et autorité. Elle a été révélée au public mondial en 2015 avec le film d’Anna Muylaert, Une seconde mère, Prix du Public à la Berlinale. Si le premier été se passe bien, dans la joie et la bonne humeur, avec des saillies de la part de la gouvernante sur le prix des objets de décoration de la maison, on sent quand même à des regards, des allusions, qu’un mystère ou un drame couve. C’est l’anniversaire de leur mariage, l’occasion unique de faire un diaporama qui va présenter cette famille, dont on ignore la manière dont elle s’est tellement enrichie. De son côté, Mada veille à tout, même sur le vieux père du maître de maison. Son rêve, bien modeste, est d’acquérir un petit terrain pour y construire une baraque à sandwichs et jus de fruit. C’est justement dans la manière de l’acquérir en passant par le maître de maison qui, apparemment, se sert aussi d’elle comme prête-nom pour ses nombreux téléphones mobiles, qu’on constate ici la structure un peu mafieuse de la société brésilienne. Pourtant, Mada, reste toujours joyeuse dans ce monde à la dérive, ce qui agace parfois le père d’Edgar qui pourtant lui voue beaucoup d’affection et d’attachement. C’est au cours des deux étés suivants, lorsqu’elle sera seule maîtresse à bord, qu’elle saura déployer des ruses et des petites combines pour survivre, après avoir échappé à l’inculpation que les magouilles de son patron auraient pu provoquer.