La préservation des terres indigènes est un débat sans fin : d’un côté, les locaux tiennent à conserver leur habitat naturel et à le préserver à l’écart du monde et de ses changements ; de l’autre, les occidentaux souhaitent utiliser ces terres pour agrandir leurs infrastructures (tout en essayant de respecter au mieux les populations autochtones ?). Cet
affrontement n’a cessé d’inspirer le 7ème Art depuis ses débuts et continue de le faire comme le montre le nouveau film de Pia Marais. On y suit la vie de Rebecca (Helena Zengel), adolescente ayant survécu à un crash d’avion en pleine forêt amazonienne et recueillie par un missionnaire qui va l’adopter comme sa fille et faire d’elle un symbole d’espoir et de guérison pour les locaux. Mais la foi qui l’anime se retrouve mise à l’épreuve quand les tensions entre natifs et entrepreneurs atteignent un point de non-retour qui va la changer à jamais.
L’ouverture du film peut apparaître comme une relecture du Livre de la jungle avec ce moyen de transport détruit et ravageant la végétation et, au milieu des débris, une enfant, unique survivante de la catastrophe. Dès lors, Rebecca apparaît aux yeux de tous comme « celle qui a survécu », à tel point qu’elle assiste son père adoptif dans ses messes pour bénir les fidèles. Cependant, son statut de guérisseuse est loin de faire l’unanimité chez les habitants de la région, certains allant même jusqu’à la surnommer « Miss Aspirine », réduisant sa force spirituelle à un simple médicament. Pour eux, sa soi-disant foi n’est qu’un écran de fumée car elle ne peut venir à bout de la destruction de la nature amazonienne par des bûcherons développant leurs installations : cette triste réalité se caractérise par son aspect expéditif, les arbres centenaires étant remplacés par des pelleteuses et des tracteurs en un simple cut. Dès lors, Rebecca se retrouve à jongler entre deux mondes car bien qu’elle protège et aide quotidiennement les locaux avec son père à l’aide de la religion, ses origines (qu’elles découvrent au fur et à mesure de l’intrigue) créent une frontière que les locaux ne lui permettent pas de franchir. Une question se pose alors : quel côté d’elle-même finira-t- elle par choisir ?

Pour les autochtones, tout ceux qui n’appartiennent pas à leur peuple doivent être traités avec méfiance : les actions des bûcherons dans la jungle ne font que renforcer leurs craintes, eux que les natifs résument en des mots simples, symboles de leur orgueil (« Wood and money »). Pour le père missionnaire de Rebecca, le problème est à chercher du côté des occidentaux et de leur ambition destructrice (« You want theirs souls »). Puisqu’aucun camp n’accepte de reconnaître ses défauts, les altercations se multiplient entre eux, caractérisées par des occupations de lieux stratégiques, des sabotages et des disparitions. Face à cette situation critique, Rebecca sent que sa foi la quitte, comme si elle avait perdue sa capacité de venir en aide à ceux qui en ont besoin : car si elle s’occupe des autres, qui s’occupe
d’elle ? Ce doute persistent qui l’envahit est résumée lors d’une scène où un homme vient la trouver pour lui demander de réveiller sa femme, plongée dans un coma en apparence imperturbable. Elle accepte, malgré son manque de confiance en soi, comme si elle souhaitait être démasquée pour enfin être débarrassée de cette responsabilité qui lui pèse de plus en plus. Cependant, après le réveil « miraculeux » de cette femme, elle quitte rapidement les lieux, comme pour s’éloigner de celle qu’elle était et de l’attention qu’elle recevait jusqu’à présent. Désormais, elle n’est plus la même.
Au-delà d’un conflit entre deux populations, Transamazonia pose aussi la question des origines et de l’appartenance : est-ce que la civilisation dans laquelle nous sommes nés nous définit forcément à vie ? Peut-on vivre entre deux mondes et pendant combien de temps ? Rebecca n’a cessé d’être tiraillée entre celle qu’elle veut devenir et celle que les autres voudraient voir : la fin du film sonne alors comme un nouveau départ. Désormais, notre protagoniste a l’opportunité de décider par elle-même ce qu’elle souhaite devenir et à quel monde appartenir : une décision naturelle dans le cycle de la vie mais qui, en ce qui la concerne, cache un lourd passif.




