The Tailor of Panama (2001)

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Cinéaste issu de la vague des jeunes auteurs Britannique talentueux des années 60, 70 et 80, John Boorman aura connu une carrière et une filmographie aussi hétéroclite qu’inégale. Film très sous-estimé dans la carrière du réalisateur, The Tailor of Panama fait très sûrement partie de ses métrages les plus fins et passionnants.

Agent déchu et corrompu du MI5, Andrew Osnard (Pierce Brosnan) se voit confier une mission au Panama : celui de réunir le maximum d’informations sur le canal et les implications politiques qui en découlent. Afin de s’immiscier dans les plus hautes sphères du pouvoir, il contacte un tailleur de renom, Harry Pendel (Geoffrey Rush), qui s’occupe des costumes de tous les hommes politiques de la ville.

Dernier film en date du cinéaste à être réellement sorti en salles avec un budget et une promotion conséquente, The Tailor of Panama est une adaptation du roman de John Le Carré. À la fois thriller d’espionnage, satire politique et comédie noire décalée, le métrage est aussi fourmillant qu’homogène, chose rare pour un projet qui brasse autant d’ambitions et de tonalités différentes. Comme dans tous ses autres films (hormis éventuellement Excalibur), la mise en scène de Boorman demeure assez sobre, classique et élégante, caméra et autres techniques cinématographiques s’effacent devant l’absence d’artifices et d’effets tape à l’œil.

Finement écrit et dialogué (par Boorman et Le Carré qui ont tous deux collaborés sur le scénario), le film cible essentiellement la politique interventionniste américaine et plus globalement la domination des Etats-Unis sur les autres pays et cultures (à commencer par le Royaume-Uni). Les Etats-unis seront donc représentés à la fin du film par un général, fou furieux fanatique et ancien vétéran de la guerre du Vietnam (en cela, on pourrait presque faire un rapprochement du film de Boorman avec le Dr. Folamour de Stanley Kubrick, notamment pour la séquence du rassemblement des militaires autour de la table dans la salle de guerre).

Un projet qui se veut donc incisif dans son discours tout en restant divertissant et inventif (comme tout grand film ?). Autre trouvaille scénaristique curieuse et tout à fait intéressante : la présence du « fantôme » de l’oncle de Harry prenant également la forme d’une sorte de conscience apparaissant lors de plusieurs séquences de manière subite (interprétée par ailleurs par le dramaturge anglais Harold Pinter), voire presque subliminale. Des procédés de montage qui sont repris lorsque le tailleur se retrouve devant les banquiers et hommes politiques qu’il imagine ridicules et sans vêtements.

Le cinéma de John Boorman fonctionne souvent sur des duos (Duel dans le Pacifique) ou un groupe de personnages masculins (Delivrance, Excalibur) au centre d’un conflit pour la plupart du temps. Dans le cas du Tailor of Panama, une des grandes réussites du film repose sur ce « couple » improbable de personnages « associés ». Utilisé à contre-emploi, Pierce Brosnan interprète une crapule, un anti-James Bond par excellenc, ce qui s’avère être l’une de ses meilleures performances avec celui du Premier ministre dans le The Ghost Writer de Polanski. À ses côtés, Geoffrey Rush en « informateur » mensonger et attendrissant, Jamie Lee Curtis dans le rôle de la femme de Harry se retrouvant prise malgré elle au milieu des évènements et enfin Brendan Gleeson, qui joue un ancien révolutionnaire dépressif et alcoolique (l’acteur avait déjà travaillé avec Boorman dans Le Général). En clin d’œil amusé au Casablanca de Micheal Curtiz lors du final du film, le personnage de Pierce Brosnan demande au ministre britannique dans le hangar d’avion : « Is this the begining of a beautiful friendship ? », qui lui rétorque : « I think not ». Une deuxième référence, plus ironique, surgit par ailleurs plus tôt dans le film lorsque le personnage de Geoffrey Rush dira à celui de Brosnan : « Welcome to Panama : Casablanca without the heroes ».

Drôle, corrosif et avant tout intelligent, The Tailor of Panama mérite bien plus que le peu d’attention qu’on lui prête à l’image de son auteur/réalisateur, désormais devenu trop rare (voir presque oublié !). On espère donc que les futurs projets de John Boorman se concrétiseront très prochainement, à savoir l’adaptation des Mémoires D’Hadrien avec Daniel Craig mais aussi un remake tout à fait alléchant du Magicien d’Oz intitulé : The Wonderful Wizard of Oz.

Titre original : The Tailor of Panama

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Durée : 110 mn


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