
Ceci n’est pas un biopic
Contrairement à ce qu’on aurait pu attendre, Jan P. Matuszyǹski ne propose pas dans son film une sorte de biopic de ce peintre très connu en Pologne, mais peu en France. On le voit rarement au travail et ses toiles ne servent en fait que de décors aux murs de son appartement et de celui de Tomasz. C’est surtout le personnage de Zdzislaw Beksiński, vidéaste de sa propre vie, qui l’intéresse tout particulièrement dans la mesure où Jan P. Matuszyǹski est auteur de nombreux documentaires, tel que 15 years of silence (2007) ou Heaven (2011) hormis Deep Love. Ce dernier documentaire était filmé comme une fiction et, en revanche, The Last family sera une fiction filmée comme un documentaire et c’est ce qui en fait toute sa force, servi par des acteurs impressionnants de vérité.

Filmer les moments dramatiques d’une vie
Le film interroge aussi l’art du cinéma underground mis à la mode dans les années 60 par Andy Warhol avec le Super 8. Mais l’arrivée de la VHS dans les années 80 va multiplier les prises de vue puisque faire des films coûtera moins cher et sera, de ce fait, plus accessible. Ce que le film ne montre pas, ne dit pas non plus, mais suggère, c’est la réponse à la question qu’on peut se poser : Qu’est-ce qui a poussé Zdzislaw Beksiński à tout enregistrer, même dans les nombreux moments dramatiques de sa vie ? Le réalisateur y répond dans le dossier de presse du film : « L’enregistement sur vidéo ressemble à sa manière de contrôler le monde. Ce que tu vois dans la caméra, c’est quelque chose que tu peux contrôler. Pendant des discussions avec le public, à l’issue des projections, les gens disent d’ailleurs que c’est un salaud, ou un égoïste, parce qu’on ne le voit jamais pleurer, ni s’émouvoir. […] Quand on le voit filmer sa femme après sa mort, cela s’explique, à mon avis, par le fait qu’il est tellement terrifié par la situation qu’il ne peut que la filmer. » En effet, ce n’est pas la peinture le cœur de ce film, mais la mise en abyme de l’acte du filmeur qui se pose un peu comme voyeur de sa propre vie. C’est cette situation tout aussi froide qu’impliquée qui interpelle sur le personnage de ce peintre, à la fois attirant et terrifiant.