Gentleman déménageur
Premier long métrage maîtrisé d’un jeune Suédois né en Iran, et vivant maintenant au Danemark, The Charmer porte bien son nom. Déjà parce que le film est très séduisant et, d’autre part, parce qu’il met en scène un beau jeune homme qui fait commerce de ses charmes auprès de femmes un peu esseulées pour obtenir une carte de séjour ou une certaine considération. Le jour déménageur, la nuit séducteur, la vie d’Esmail pourrait continuer ainsi s’il n’était poursuivi par un homme étrange dont il a poussé la femme au suicide, événement qui donne au film sa scène d’ouverture. Mais il est hanté aussi par une charmante jeune femme d’origine iranienne, maintenant exilée au Danemark avec sa mère, grande chanteuse orientale, et qui a découvert très vite son stratagème pour mieux le séduire à son tour et en tomber amoureuse. Il faut dire que le film repose d’abord sur le charme d’une mise en scène à la fois classique et surprenante, qui se déroule d’une manière lente mais bien huilée, dévoilant juste quand il faut un élément du scénario, sans qu’il soit annoncé ou convenu. L’image de Sophia Olsonn est aussi particulièrement soignée et, enfin, les personnages sont servis par des acteurs magnifiques, à commencer par Ardalan Esmail, très populaire en Suède et connu pour ses rôles dans des séries telles que Rebecka Martinsson, The Dying Detective ou Greyzone, et Soho Rezanejad, compositrice, chanteuse, très appréciée au Danemark et qui fait ici sa première apparition au cinéma.
Une romance sociale
Mais ce film n’est pas seulement une romance un peu désespérée sur la vie d’un pauvre gigolo immigré qui espère pouvoir se sortir ainsi de sa situation précaire et un peu misérable. The Charmer est aussi bien sûr une peinture d’une certaine société occidentale, un peu blasée, un peu décadente qui s’amuse à se laisser séduire par un Orient de pacotille pour rêver et se prendre parfois pour Shéhérazade sans se poser la moindre question sur le mode de vie de ces travailleurs de l’ombre. Car de l’ombre, il l’est parfaitement Esmail puisque son travail de déménageur, il le fait au black car il n’a pas de carte de séjour, et son travail de séducteur est aussi une manière inconsciente de se venger de sa condition ouvrière et immigrée, ou une façon de pouvoir dominer et mépriser des femmes, proies faciles et consentantes. Jusqu’au jour où Esmail sera contraint de retourner au pays et de donner son beau costume de charmeur à un jeune homme qui danse avec grâce en laissant germer dans l’esprit du spectateur qu’il va peut-être reprendre le rôle d’Esmail au sein de la société danoise, ou se marier pour de bon. Le film ne donne jamais de clé, et c’est tant mieux.
Étrange étranger
C’est cet aspect un peu sombre du personnage d’Esmail qu’on ne connaîtra jamais vraiment qui fait la force de ce film qui n’est ni un plaidoyer pour l’immigration, ni un discours soi disant humaniste sur l’accueil des migrants comme on en voit tant maintenant. The Charmer parle surtout d’amour et de connaissance de soi, de lutte pour la vie et de la part de mystère qui existe en chacun de nous, cet étrange étranger qui nous fascine et nous fait peur aussi. « L’exploitation fonctionne dans les deux sens : toutes les femmes qu’il rencontre tirent également quelque chose de lui, explique le réalisateur dans le dossier de presse de son film. Il fait l’expérience d’un exotisme évident, la sexualisation de l’étranger. Ce qui m’intéresse, c’est d’explorer cette solitude existentielle et la recherche d’appartenance. Je pense que ce sentiment de non-appartenance et de lutte pour trouver sa place dans le monde est universel. »