Syndicat du meurtre (1968) / Top secret (1973) Combos dvd-blu-ray chez Elephant (sortie le 26/08).

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Candides et cyniques.

Elephant Films nous propose deux raretés, deux films peu visibles depuis longtemps, dont les protagonistes évoluent avec une certaine forme de résignation dans des mondes où le cynisme, l’appât du gain et la violence l’emportent sur l’empathie.

Syndicat du meurtre (P.J, 1968),  narre les mésaventures de P.J. Detweiler (Georges Peppard), détective privé sans le sou, qui se voit offrir le poste de garde du corps de la belle Maureen Preble (Gayle Hunnicutt), et n’a d’autres choix que d’accepter le boulot. La jeune femme, maîtresse du mystérieux William Orbison (Raymond Burr), est victime de menaces de mort et de tentatives d’assassinat. Mais les apparences sont trompeuses et cèlent peut-être de sombres machinations.

John Guillermin, cinéaste britannique exerçant depuis la fin des années 40, ayant déjà à son actif plusieurs polars et films de guerre, retrouve ici Georges Peppard deux ans après le flamboyant Crépuscule des aigles (avec James Mason, Ursula Andress, Jeremy Kemp), et avant l’étonnant Duel dans l’ombre (où Orson Welles livre une performance de manipulateur virtuose).  Peppard, acteur attachant chez Blake Edwards aux côtés d’Audrey Hepburn, habitué aux films d’action, ou aux séries de détection ou d’aventures dans les décennies 70 et 80, incarne dans Syndicat du meurtre un détective plutôt malchanceux  réduit à jouer les amants afin que son mari puisse les surprendre dans une chambre de motel et obtenir des preuves pour le divorce ; le mari donne même 50 dollars supplémentaires pour pouvoir tabasser PJ et paraître plus convaincant. Ensuite, nouvelle affaire lui donnant l’occasion de rembourses ses dettes : son ami, un barman humaniste (Herb Edelman) l’informe qu’il peut candidater pour un poste de garde du corps à propos de Maureen Preble, maîtresse du magnat William Orbison.  Une mission de protection qui mènera notre privé de New York aux Caraïbes, en compagnie d’une faune de prévaricateurs, d’un dédale de chausse-trappes, et d’une galerie de miroirs déformants parmi une humanité à double visage. Certes séduisant auprès des personnages féminins, mais humilié, tabassé par les détenteurs du pouvoir, Detweiler, mène son enquête et son existence avec résignation, opiniâtreté, et décontraction.

Ce long-métrage mérite sa redécouverte grâce à ses qualités, en premier lieu par le personnel diégétique attendu et interprété par un casting de grand talent : Georges Peppard, qui peaufine sa nonchalance, son ironie, sa brutalité parfois nécessaire, son empathie candide auprès de certains personnages; Gayle Hunnicutt, d’une beauté et d’une attitude dignes des femmes fatales du film noir; Raymond Burr, monolithique, cynique, cruel avec ses proches. D’autres figures bien connues du grand et petit écran complètent la distribution de cette œuvre, chacun et chacune dans des compositions qui leur conviennent : Susan Saint-James, en héritière décontractée, Herb Edelman, l’ami philanthrope, Wilfrid Hyde-White, en plénipotentiaire des Caraïbes servile, et Brock Peters, chef de la police de l’île, distant mais intelligent. Outre son interprétation, Syndicat du meurtre oscille entre deux époques : celle de l’univers filmique du Hollywood de l’âge d’or (via la majorité de ses personnages, de certains lieux tels ces manoirs ou propriétés), et celle des 60’s (le bar gay de Greenwich Village, la violence lors des scènes d’action). Nous sommes également face à deux manipulations de caméras : des cadrages et des mouvements élégants et classiques laissant place à une caméra portée à l’épaule, lors de poursuites, ou de moments d’instabilité. New York, ses bars, ses appartements défraîchis, ses tours, ses habitats luxueux, les Caraïbes, un semblant de paradis où la mort surgit : une géographie variée montrant les fossés sociaux et dévoilant les secrets, illustrés par une musique idoine signée Neal Hefti.

 

 

Top secret (The Tamarind seed, 1973), nous convie à une rencontre de deux protagonistes de plus en plus attachants.  Lors de ses vacances aux Caraïbes, Judith Farrow(Julie Andrews), secrétaire du Ministère des Affaires Étrangères britannique, rencontre Feodor Sverdlov (Omar Sharif), attaché militaire de l’ambassade soviétique à Paris. Cette histoire d’amour naissante inquiète au plus haut niveau leur hiérarchie respective, qui soupçonne le couple de vivre une relation fictive. Essayant de prouver leur bonne foi, les deux amants découvrent involontairement qu’un agent double s’est infiltré dans les hautes sphères du pouvoir britannique : leurs vies sont désormais menacées.

Tourné dans les années 70, période au cours de laquelle Blake Edwards rencontre une majorité d’insuccès après les deux premières Panthère Rose, et malgré des œuvres qui, s’éloignant de la comédie, prouvent les talents du cinéaste dans le drame, le western, ou le thriller, Top secret (d’après le roman éponyme d’Evelyn Anthony, requiert une relecture de notre part grâce à cette nouvelle sortie en dvd/blu-ray. Le générique, conçu par Maurice Binder à l’identique de ceux qu’il crée pour les James Bond, accompagné par une musique de John Barry, semblent nous orienter méta-textuellement vers un ersatz d’aventures s’inspirant fortement du protagoniste romanesque puis cinématographique sorti de la plume et de l’imagination de Ian Fleming. Que nenni. Les attitudes et postures de ceux que nous devinons être les protagonistes, ombres sur fond rouge, baignées par la tonalité mélancolique et romantique de la bande-son, nous invitent plutôt à reconsidérer notre point de vue hâtif, et à déchiffrer cette introduction comme une histoire sentimentale sur un arrière-plan connotant le danger, la pression, la menace.

L’histoire d’amour entre nos tourtereaux ne débute aucunement sous les meilleurs auspices, entre un agent soviétique sous couvert d’attaché de l’ambassade russe à Paris, espion désabusé, et une secrétaire au ministère de l’Intérieur, sortant d’une liaison pénible, et souffrant encore de la perte de son mari survenue quelques années auparavant. Pourtant, les Barbades offrent un cadre propice à cet épanchement sentimental; il restera pour le moment platonique, sous la forme de la sincérité, et non de fausses confidences. Sverdlov, derrière son cynisme vis-à-vis du monde occidental mais également du système dont il provient, laisse progressivement apparaître son amour pour Judith qui, quant à elle, va se révéler plus forte que prévu malgré ses fêlures et sa naïveté touchante. Une bluette à la gradation bien classique, pourrions-nous croire, mais qui rencontre des embûches par la seconde strate narrative : en effet, leurs employeurs respectifs des deux blocs, imprégnés de l’idéologie et de la realpolitik tendance guerre froide, ne croient aucunement en cette romance, et vont machiavéliquement s’ingénier à dénouer ce lien du cœur afin d’en retirer des actes ou des informations à leur profit, d’autant plus qu’une taupe britannique livre des renseignements aux autorités moscovites. Un jeu de chats et de souris se met en place, au milieu duquel notre couple va sauver sa vie et son affection en demeurant loyaux, sincères, tout en ne livrant à leurs supérieurs que ce qu’ils estiment nécessaires de confier, chacun faisant croire dans leurs officines respectives qu’ils s’emploient à « retourner » l’être aimé. La mise à l’épreuve de leur passion, en quelque sorte, via ce jeu de dupes, où évoluent pourtant des individus roués, magnifiquement interprétés par Anthony Quayle, Dan O’Herlihy, Oskar Homolka.  Sans oublier Sylvia Syms, composant dans ce film une prestation brillante et pathétique en épouse délaissée se vengeant des incartades de son époux au comportement double.

Quasiment sans scènes d’action, rapidement troussées d’ailleurs, comme si la violence restait à distance de ce couple, et vouée à l’échec face à la force des flèches de Cupidon, Top secret bénéficie d’un montage où les sons, les objets (un briquet par exemple), et les lieux intérieurs et extérieurs font office d’illustrations des passions intimes ou des manigances retorses. En outre, Paris, Londres, et les Barbades s’en retrouvent aseptisés, peu reconnaissables, sans charme, les individus et leurs passions prenant le pas sur la géographie où ils se situent. Un terrain de golf se transforme en place de condamnation.

Et le titre original, me diriez-vous ? Une métaphore du couple : la graine de tamarinier, qui, selon la légende, ressemble au visage d’un esclave pendu à tort sous cet arbre tropical, représente l’union indéfectible, le symbole de la force des amants, à la longévité pourtant fragile et incertaine par rapport aux coalitions estimant que leur attachement est suspect.

Somme toute, un très bon film (le Guillermin), et un très grand film (l’Edwards), dans des éditions nous proposant des masters restaurés en 2K très valables, et dotés de suppléments pertinents. Deux films que nous vous incitons fortement à voir ou à revoir au cours de ces soirées estivales.

 

Syndicat du meurtre – Combo Blu-ray + DVD

Date de sortie : 26/08/2025
Format d’image : 2.35 : 1 1920x1080p Couleur
Sous-titres : Français, Anglais
Nombre de disques : 2

Suppléments : La Toile d’araignée, un document de Julien Comelli – Bande-annonce d’époque – Jaquette réversible
Contenu : Combo Blu-ray + DVD

 

Top Secret – Combo Blu-ray + DVD

Date de sortie : 26/08/2025
Format d’image : 2.35 : 1 1920x1080p Couleur
Sous-titres : Français, Anglais
Nombre de disques : 2

Suppléments : Le film par Justin Kwedi – Interview d’Omar Sharif (1972) – Interview d’Omar Sharif (1974) – Interview de Blake Edwards – Portrait de John Barry – Bande Originale – Chansons du film – Bande annonce d’époque – Crédits – Jaquette réversible
Contenu : Combo Blu-ray + DVD

 

 

Titre original : P.J. / The tamarind seed.

Réalisateur : ,

Acteurs : , , , , ,

Année :

Genre : ,

Pays : ,

Durée : 109 /125 mn


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