« Je me donne peut-être un genre, mais j’aimerais être suivi en permanence par une équipe de cinéma, façon docu sur un penseur influent, affligé d’un malheur indicible… » Distance et ironie s’imposent comme les maîtres mots de Submarine, qui joue constamment avec son public en se moquant des codes de la fiction : au beau milieu d’une séquence dramatique, alors que la caméra effectue un banal dézoom, Oliver explique qu’il préférerait un plan tourné à la grue et se plaint du budget limité. Richard Ayoade convoque une batterie d’artifices : super-8, arrêts sur image et mises en abyme coupent sans arrêt l’intrigue. En outre, il multiplie les références cinéphiliques, affichant ses goûts avec un fétichisme appuyé : le jeune couple assiste à une séance de La Passion de Jeanne d’Arc de Dreyer, les adultes se rendent à la projection d’un Rohmer ; et juste au-dessus du lit d’Oliver trône un portrait de Woody Allen. Submarine flirte alors dangereusement avec le catalogue, et la ronde des citations finit par lasser. Au lieu de peaufiner ses dialogues, l’évolution des personnages ou l’intensité de leurs relations, Richard Ayoade s’amuse à glisser des clins d’œil – manie agaçante, qui repose uniquement sur la connivence avec le spectateur et ne suffit pas à masquer les faiblesses du récit.
Problème : Submarine reste toujours en dessous de ses modèles. A force de clamer son originalité, le film perd rapidement son charme et manque de carburant. Cynique au cœur tendre, à l’instar de son héros, Richard Ayoade ne trouve jamais le juste équilibre entre sarcasme et sincérité. Dès que l’émotion s’installe, il coupe la scène par une pirouette de petit malin. Cette phobie du sentiment empêche la comédie de vraiment décoller, d’atteindre une certaine profondeur. L’histoire des parents ne dépasse guère le stade de l’anecdote et peine à maintenir l’intérêt. Les chansons d’Alex Turner, assez plates, enrobent Submarine d’un emballage branché, mais très convenu. D’abord impertinent, le film glisse d’ailleurs peu à peu vers un conservatisme sage. Dans le dossier de presse, Oliver glisse une « note à l’intention des journalistes » (ironie, mise en abyme, etc…) : « Pour décrire ce film, vous pourrez notamment utiliser les adjectifs "à couper le souffle", "irrésistible" ainsi que le terme "chef-d’œuvre" ! » Désolé, Oliver…