Sonic Mirror

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Bien plus qu´un simple documentaire, Sonic Mirror est une preuve de foi en la musique et en ceux qui la jouent. Un excellent film servi par un projet remarquable.

Bien qu’il soit d’abord reconnu pour ses films de fiction, ce n’est pas la première fois que Mika Kaurismäki réalise un documentaire musical de la trempe de Sonic Mirror. En 1981, déjà, le cinéaste signe avec son frère Aki un documentaire consacré au rock finlandais. En 2002, puis en 2005, après un long détour par la fiction, il exprime sa passion pour les rythmes festifs du pays de la samba, devenu entre-temps sa terre adoptive, dans deux productions internationales, Moro no Brasil et Brasileirinho. Implanté en partie dans le même décor, Sonic Mirror, le troisième volet de la trilogie, confirme l’amour que le cinéaste porte non seulement à la musique brésilienne, mais à toutes les formes d’expression musicale quelles qu’elles soient. La musique est un langage universel que Kaurismäki s’emploie à exalter.
   
Figure centrale du film, Billy Cobham est considéré par ses pairs comme l’un des plus grands batteurs de jazz en activité. Après avoir joué dans le groupe de Miles Davis au début des années 70, le musicien a su développer au fil de sa carrière un style personnel basé sur le métissage des courants musicaux (jazz, rock, funk, rythmes africains et brésiliens).

"Music is a wild beast"

Le film se compose de quatre parties entrelacées. Les deux premières servent à dresser le portrait de Cobham : l’une, à New York, trace les grandes lignes de son histoire et de sa personnalité ; l’autre suit l’artiste lors d’un concert de jazz en Finlande. Ces deux segments ont ceci de commun qu’ils privilégient l’aspect documentarisant du film : ils renseignent, informent et mettent en scène leur sujet dans des situations fixes et préétablies.

Les deux parties suivantes, quant à elles, se décalquent l’une de l’autre autour d’un même principe : ne pas filmer Cobham pour en arriver à lui, mais partir de lui afin de créer quelque chose de neuf et d’insolite. Déambulant dans une communauté africaine d’une petite ville du Brésil, le musicien fait la rencontre de trois apprentis batteurs sur le point de passer un concours de musique. Celui-ci leur permettrait d’intégrer une école privée et de s’assurer par conséquent d’un avenir prometteur. Dans un même ordre d’idée, Kaurismäki envoie Cobham jouer dans un institut de musicothérapie en Suisse, auprès d’un groupe d’adultes autistes. Le projet consiste à sensibiliser les individus renfermés sur eux-mêmes, en les éveillant au monde des rythmes, des mélodies et des harmonies.

Contrairement aux deux premières parties, ces dernières ne suivent pas de programme précis. Kaurismäki réunit les personnes, crée les conditions de tournage et attend de voir ce qui peut se passer. L’essentiel du travail du cinéaste consiste à capter l’énergie qui circule entre les individus. Le regard qu’il porte sur les choses est juste, honnête et authentique. Pas  question de s’apitoyer sur le malheur des uns, ni sur le handicap des autres. Le film cherche tout simplement à leur faire vivre quelque chose d’unique.

Sonic Mirror se montre magnifique dans la mesure où il a réellement permis aux enfants brésiliens de tenter leur chance à leur concours, et aux autistes de connaître une expérience forte et influente. Incroyablement émouvante, la dernière séquence du film combine ces deux ordres de faits en une même exultation. Suite à la démonstration de Cobham à la batterie, la joie des autistes se conjugue à la musique jouée par les enfants au Brésil. Comment ne pas rester insensible lorsque tous ces individus finissent par s’imprégner du rythme qui les entraîne, et sortir des conditions dans lesquelles la vie les a confinés ?

Universelle, humaniste et euphorisante, l’œuvre de Kaurismäki est un puissant remède contre l’immobilisme, l’inertie et l’apathie. Un chef-d’œuvre, rien de moins.

Sortie le 2 juillet 2008

Titre original : Sonic Mirror

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Durée : 79 mn


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