Sin Nombre

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À mi-chemin entre le « train-movie », le film de gangs et la fable pleine de bons sentiments, « Sin Nombre » (se) cherche une ligne directrice et une approche esthétique quatre vingt dix minutes durant. Bel essai malgré quelques maladresses.

Sayra, adolescente guatémaltèque accompagnée de son père et de son frère, traverse le Mexique jusqu’à la frontière des États-Unis, dans l’espoir de passer de l’autre coté du Rio Grande, pour rejoindre de la famille dans le New Jersey. « Où est le New Jersey ? », demande Sayra à son père. Il n’est même pas sur la carte, celle qu’ils possèdent étant trop petite. On sait très bien qu’ils n’arriveront nulle part mais l’enjeu de Sin Nombre sera avant tout de ne pas se perdre.

Ne pas se perdre de vue d’abord, comme les nombreuses séquences où Willy, l’autre protagoniste principal de Sin Nombre, jeune homme à l’expression grave, égare son esprit dans les vidéos numériques de son ex-copine morte. Ne pas se perdre non plus dans le voyage qu’on entreprend. Sur la carte, une ligne à suivre, du Sud au Nord du Mexique. Cette ligne est la trajectoire à ne jamais quitter, comme une obsession. S’en écarter reviendrait à perdre le fil, s’éloigner de l’objectif à atteindre. Une ligne, et de part et d’autre, le Mexique. Car cette ligne tracée sur la carte est traduite visuellement dans le paysage par le chemin de fer. Sayra, ses proches ainsi que de nombreux autres guatémaltèques ne sont pas vraiment « dans » le paysage, n’en font pas vraiment partie, figurines de passage que l’on détrousse, quelque part sur ce fil suspendu, ce pont entre le Guatemala et les États-Unis. Puisque la règle est de ne pas entrer, de ne pas être au Mexique, c’est donc le Mexique qui viendra à eux par l’intermédiaire de Willy, choisissant de se libérer d’un gang au profit de ce fil ténu.

Jusque-là, le montage alterné soulignait l’impossibilité de la rencontre, ou la retardait plus exactement. Cette première partie en parallèle rythmait le film, deux visions d’un paysage, deux nationalités, deux personnages. Les croisements de destinées, démocratisés par Alejandro Gonzalez Inarritu (Amours chiennes) ou Alfonso Cuaron (Y tu mama tambien), sont devenus procédé narratif assez courant dans le cinéma mexicain de ces dernières années, manifestation ostensible d’enchevêtrements de vies et signe de surpopulation. Une fois cette première partie achevée et au fur et à mesure que le train emmène nos protagonistes au loin, Cary Fukunaga choisit de nous prendre par les sentiments et conclut son essai par un épisode convenu et sans substance, renouant ici avec les mécanismes du cinéma US (d’où il vient par ailleurs, ayant été précisément formé dans le New Jersey).

Cependant, ne peut être ignoré dans Sin Nombre ce climax qu’instaure le réalisateur à partir de détails. Les rituels pour entrer dans les gangs ont bien lieu, mais avec moins d’esbroufe que d’habitude. Des chiens mangent de la viande d’origine inconnue mais on ne s’y attarde pas. Quand le chef des XIII, le gang dont fait partie Willy, ordonne, il le fait un bébé dans les bras.

De loin, Sin Nombre ressemble à bien d’autres films made in Mexico, dans ses thématiques : le souci d’appartenance à une communauté, l’insistance du regard porté sur la jeunesse, les rituels de gangs ou les rêves d’ailleurs. À bien y regarder, dès le premier plan (incroyable), où le regard est hypnotisé par un paysage aux couleurs automnales (qui s’avérera être un poster), on éprouve ce sentiment d’arriver trop tard. « Quelque chose » s’est déjà joué et on a raté le coche. Peut-être a-t-on mal regardé, qu’un élément s’est perdu en route…

Titre original : Sin Nombre

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Durée : 96 mn


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