Saya Zamuraï

Article écrit par

« Saya Zamurai » est à l’image de son réalisateur : étonnant, absurde, agaçant, mais tout de même divertissant.

Avant de s’improviser réalisateur en 2007, Hitoshi Matsumoto animait des émissions de variété à la télévision. Sa grande carrière sur le petit écran explique sans doute son goût pour le divertissement ainsi que son humour décalé, dont raffolent les téléspectateurs japonais. Avec Saya Zamuraï, il signe un troisième long-métrage saugrenu, où les idées, bonnes ou mauvaises, jaillissent en cascade. Dans un Japon féodal en carton-pâte, Kanjuro Nomi, samouraï sans sabre rejeté par ses semblables, est condamné à mort par un seigneur inflexible. Sa seule chance de survie ? Faire naître un sourire sur le visage du jeune prince, devenu mutique après la mort de sa mère. S’il échoue, il sera contrait de se « faire seppuku », autrement dit, de se suicider par éventration. Chaque matin, pendant trente jours, Nomi improvise donc un nouveau one-man-show sous le regard impitoyable de son jeune juge.

Après avoir parodié les « Kaiju Eiga » (littéralement « cinéma des monstres ») dans Big Man Japan, Hitoshi Matsumoto s’attaque aux films de samouraïs que chérissait Kurosawa. Le plaisir enfantin qu’il prend à bafouer les grands classiques du septième art le ferait presque passer pour un héritier du mouvement dada, subversif et provocateur. A ses yeux, le cinéma n’est qu’un immense terrain de jeu où les projets les plus absurdes et les plus poétiques peuvent s’épanouir librement. Jour après jour, Nomi enchaîne les numéros de cirque sans jamais se défaire de sa mine tristounette : il avale un poisson vivant, se projette dans les airs à l’aide d’un canon, plonge dans un seau de peinture avant d’aller s’étaler sur une gigantesque toile blanche. Ces facéties, stimulantes ou aberrantes, risquent d’agacer les spectateurs les plus cartésiens, ceux qui n’ont jamais pu souffrir les gros nez rouges, les mardis gras et les poissons d’avril. Les autres se laisseront sans doute charmer par ce conte faussement simpliste, où la naïveté de l’enfance côtoie la brutalité de l’âge adulte.

Saya Zamurai se situe à mi-chemin entre le délire poétique et l’émission de télé-réalité abrutissante. Les performances du samouraï s’enchaînent comme autant de sketchs, dans le seul et unique but de faire rire les foules rassemblées des deux côtés de l’écran. La sentence qui le menace rappelle d’ailleurs les épreuves d’éliminations qui ponctuent les shows télévisés, de la Star Ac’ à Incroyable talent. Pourtant, le masque impassible qu’affiche Nomi se heurte à la bonne humeur ambiante, faisant planer dans l’air un vent de nostalgie. Ce Buster Keaton de pacotille, ce clown blanc binoclard et édenté affronte son châtiment avec indolence, endure mille petites humiliations sans broncher, comme si la mort importait moins que la tristesse d’un enfant.

Certes, le film de Matsumoto manque de cohérence, ses gags frôlent souvent le mauvais goût et son style foutraque a de quoi désarçonner. Pourtant, ces innombrables maladresses ne parviennent pas à entamer sa spontanéité et sa fraîcheur. Saya Zamurai est une ode à l’humour et au spectacle, que l’on pourrait comparer à une gigantesque sucrerie : imparfait, bourré de colorants et de calories, mais tout de même alléchant.

Titre original : Saya Zamuraï

Réalisateur :

Acteurs : ,

Année :

Genre :

Durée : 103 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

A cause d’un assassinat

A cause d’un assassinat

Ce film d’Alan J. Pakula (1974), deux années avant son grand succès Les Hommes du président (1976), reflète les doutes d’une partie contestataire de la société américaine sur l’intégrité du système, après de nombreux et mystérieux assassinats politiques (Kennedy et son frère Bob, Martin Luther King), et ses craintes d’un complot ou de manipulations contre la démocratie. D’où un thriller politique volontiers paranoïaque.

Chronique des années de braise: une épopée tumultueuse portée à son point d’incandescence

Chronique des années de braise: une épopée tumultueuse portée à son point d’incandescence

C’est toute une mémoire collective du peuple algérien que retrace l’odyssée mouvementée du paysan Ahmed, héros mythique d’une épopée visionnaire. Evoquées dans un scope 70 mm en Panavision éblouissant de lumière crue, ces années de braise sont le ferment d’une révolution qui embrase sourdement une population sacrifiée par la colonisation française. La fresque homérique oscille entre une conscience nationaliste aigüe et un lyrisme de tragédie grecque où le réalisateur Mohammed Lahkdar-Hamina se mue en oracle histrionique, voix prophétique et guide spirituel d’un peuple en quête d’émancipation. Analyse…