Roman de gare

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Il jubile le Claude. Qu’il gambade caméra à la main dans les rues de Paris, présente le film en avant-première dans les Alpes où il est parti tourner, ou commente son projet pour l’édition DVD, il n’en démord pas : « j’avais envie d’envoyer un message, et aussi de m’amuser un peu ». Pour répondre […]

Il jubile le Claude. Qu’il gambade caméra à la main dans les rues de Paris, présente le film en avant-première dans les Alpes où il est parti tourner, ou commente son projet pour l’édition DVD, il n’en démord pas : « j’avais envie d’envoyer un message, et aussi de m’amuser un peu ». Pour répondre aux critiques qui traitaient ses films récents de vulgaires romans de gare (ils n’avaient pas non plus tort dans un certain sens), Claude Lelouch en a fait le titre de son film, tourné sous un faux nom avec l’énergie d’un débutant.

L’avait-il seulement perdue, cette énergie ? Peut-être avait-elle été plutôt mise au service de projets bancals, pas aussi maîtrisés et ludiques que ce Roman de gare. Un polar aux allures de comédie noire, un concentré de chausse-trappes, de faux-semblants, de jeu avec le spectateur, en même temps qu’une belle réflexion sur la création artistique. Presque rien d’inhabituel au regard de la filmographie du bouillonnant réalisateur, sauf qu’ici, l’histoire passionne, que le sentimentalisme n’écrase pas la pellicule, même quand Gilbert Bécaud pousse la chansonnette.

Ici, Lelouch parvient à rendre Dominique Pinon crédible dans le rôle du maître-manipulateur ténébreux ; il révèle aussi l’épatante Audrey Dana, et finit par rendre touchante l’exaspérante Fanny Ardant. Enfin, chose rare, Lelouch parvient à trousser de vrais moments de cinéma, mis en valeur par une caméra mobile et des paysages rarement exploités dans son cinéma. On lui pardonnera alors les quelques errements narratifs dignes d’un téléfilm de service public, comme la séquence du show télé où apparaît Serge Moati.

Cette belle renaissance pour un metteur en scène dont les films ne créaient plus guère l’événement (depuis Les Misérables, au moins) méritait bien un coup de pouce pour sa sortie en DVD. Outre une copie du film à l’éclat cristallin (malgré un grain persistant dans les scènes nocturnes), l’éditeur a inclus un grand nombre de bonus tournant autour du réalisateur : un making of comportant de nombreuses images du tournage est présent sur le premier disque, en guise d’apéritif. Claude Lelouch n’y commente pas le film, et pour cause : un entretien de presque 80 minutes figure sur le second disque, où l’auteur d’Un homme et une femme s’épanche sur sa relation passionnelle avec les critiques, son besoin de se prouver qu’il était encore vaillant après une série d’échecs financiers. Cet éternel insatisfait que l’on croyait connaître se livre comme jamais, et la plongée dans sa vie intime et artistique se poursuit avec « On s’aimera », long documentaire émaillé d’images de ses (très) nombreux films. Le ton est mélancolique, et ne trompe d’ailleurs pas : dans le rôle de l’outsider qui décrocha la gloire sans doute trop tôt (avec le chabadabada que l’on sait…) et qui n’a pas eu le temps de voir la vie passer, Lelouch est formidable et touchant. Le voir fouler la plage de Deauville qui le rendit célèbre est un moment unique…

En dehors de ces deux morceaux de choix, on trouve une pelletée d’interviews des acteurs de Roman de gare, pour la plupart ravis de rejoindre l’univers du metteur en scène. Le fidèle ami et scénariste de Lelouch, Pierre Uytterhoeven, consent à sortir pour une fois de l’ombre le temps d’un entretien. Plus original, mais moins intéressant, Hervé Picard, le « vrai-faux » réalisateur du film (en fait, le prof de tennis du cinéaste !) fait une apparition, avec l’air ahuri de celui qui ne sait pas ce qu’il fait là. Un court métrage anecdotique et quelques photos complètent ce copieux menu.

Pour ceux qui en voudraient plus, Les Films 13 ont rajouté dans le coffret un épais livret concocté par l’ESRA, composé d’un entretien avec Lelouch qui revient sur les thèmes forts du long-métrage, d’une analyse de son style, de sa filmographie complète, et enfin du scénario intégral ! Voilà l’occasion de se rabibocher avec l’énervant mais toujours intéressant monsieur Lelouch…
 


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