Cette photographie jaunâtre fait inévitablement penser à David Fincher. Il y a du Seven (1996) dans ces pluies diluviennes et ces héros fatigués. Il y a même un peu de Zodiac (2007) dans ce personnage de policier obsédé par son enquête, la présence de Gyllenhaal qui a troqué son carnet contre un revolver ne faisant qu’accentuer la référence. Mais la ressemblance s’arrête là. Car si Fincher conciliait thriller psychologique et film de serial killer, Villeneuve semble se moquer de l’enquête policière en elle-même, qui n’est finalement qu’un prétexte, un révélateur de ce que l’être humain peut avoir enfoui de plus sombre au fond de lui. C’est quand le réalisateur s’attache à ses personnages, captifs de leur propre histoire comme ils le sont du cadrage serré qui les emprisonne à chaque plan, qu’il convainc le plus. Même s’il insiste parfois trop pour être sûr que le spectateur comprenne bien qui ils sont : présenté dès la première séquence en train de chasser avec son fils, Keller se lancera dans une véritable chasse à l’homme. Seul le jour de la Thanksgiving, Loki mènera son enquête seul contre tous. Cet affrontement viril (les mères attendent à la maison que les enfants soient retrouvés) entre deux conceptions de la justice, la violence des rapports humains, la persistance des traumatismes, intéressent plus Denis Villeneuve que le whodunnit du film policier. En effet, la résolution de l’enquête est maladroite et le scénario se perd dans des détours et autres fausses pistes artificielles qui allongent inutilement la durée du film. Prisoners perd ainsi en intensité dans une conclusion digne d’un banal téléfilm policier, qui absout tous les personnages de leurs fautes en quelques secondes. Comme si, au dernier moment, il avait eu peur de sa propre noirceur.
Prisoners
Article écrit par Marion Roset

Un thriller qui vaut plus pour ses personnages que pour son intrigue policière.