Pourquoi tu pleures ?

Article écrit par

Une sympathique comédie sentimentale qui ne sait pas toujours sur quel pied danser, à l’instar de sa fameuse tête d’affiche.

Ne le cachons pas, l’un des principaux motifs de curiosité vis à vis de Pourquoi tu pleures ?, premier long métrage de la comédienne Katia Lewkowicz, est bien sûr son acteur principal, soit le chanteur Benjamin Biolay. Davantage que cette histoire moyennement passionnante d’un trentenaire confronté au doute à quelques jours du mariage, intéresse ici l’aptitude ou non de celui qui l’incarne à faire croire en ces doutes. Une question simple : Biolay, artiste de scène désormais reconnu par le métier (sacre tardif aux Victoires de la musique 2010), est-il en route, avec ce premier premier rôle au cinéma, pour une consécration en tant qu’acteur, une éventuelle nomination aux prochains César dans la catégorie de la Révélation masculine ? A laquelle on répondra très honnêtement que si sa performance dans le présent film est loin de totalement convaincre, elle n’en est pas pour autant désastreuse. Disons que lui manque encore une aisance dans l’occupation de l’espace, l’appropriation du plan, l’installation dans la scène rendant peu identifiable sur la durée le trouble supposé d’Arnaud.

Il faut dire aussi que Pourquoi tu pleures laisse très peu de latitude à ses interprètes, l’essentiel de sa dynamique reposant sur l’énonciation de dialogues un peu sur-écrits, aucune situation ne semblant tout à fait répondre à la précédente ou la suivante, chaque réplique se nourrissant trop d’elle-même pour laisser espérer une réelle interaction entre les personnages. Le film, sans être mauvais – loin de là –, pêche essentiellement par son absence de choix entre pure comédie folklorique, proche dans l’esprit de La vérité si je mens (le mariage se prépare dans une communauté juive haute en couleurs), et œuvre plus intimiste, Arnaud/Biolay étant tantôt dévoré par l’énergie, la sur-présence des autres – enthousiasme très expressif des deux familles et de ses amis –, tantôt autorisé à bifurquer un peu, croire en son droit à renoncer, pourquoi pas à en aimer une autre. C’est lorsque Lewkowicz va jusqu’au bout de cette piste que le film trouve sa réelle aspérité, quand, le temps de quelques plans, quelques courtes séquences, le bonhomme assume pleinement son désir pour une fille rencontrée le soir de son enterrement de vie de garçon, ou regarde sa future épouse (Valérie Donzelli, toujours la meilleure) avec l’œil de celui qui ne sait pas.

Seul face à une femme, le personnage gagne provisoirement ses galons de héros romantique, la cinéaste donnant l’occasion à Biolay, dans ces quelques scènes moins bavardes, plus ouvertes aux regards et aux murmures, de tirer enfin profit de son jeu – volontairement ? – très minimaliste. A croire que décidément, à l’inverse par exemple de l’humoriste, pour qui le grand écran, le cadre cinématographique devient souvent le lieu du déploiement, de la prise en charge insolente d’un terrain de jeu élargi (Dubosc pour le meilleur et pour le pire, mais tout autant le nouvel action hero Tomer Sisley), le chanteur – tout du moins français (Katerine, Biolay, Aznavour, Johnny…) – ne demeure éloquent qu’en mineur, gagnant plus que jamais à peser ses mots.

Titre original : Pourquoi tu pleures ?

Réalisateur :

Acteurs : , , , , , ,

Année :

Genre :

Durée : 99 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

Trois films de Pietro Germi sur fond de terre brûlée sicilienne

Trois films de Pietro Germi sur fond de terre brûlée sicilienne

Pietro Germi figure un peu comme un outsider ou, en tous les cas, le mal aimé du cinéma italien de l’âge d’or. Et les occasions de réhabiliter son cinéma enclin à la dénonciation sociale jugé parfois moralisant et édifiant mais toujours captivant et divertissant ne sont pas légion. Le distributeur Tamasa vient de pourvoir à cette injustice en sortant trois films invisibles en versions remasterisées.

Je suis un fugitif

Je suis un fugitif

Dans ce film glauque au pessimisme foncier, quasi ignoré et pourtant précurseur, Alberto Cavalcanti exhibe un monde sans héros; uniquement peuplé de manipulateurs veules et sournois, de malfrats sans foi ni loi, de femmes fatales, de harpies, de mégères ou d’épaves à la dérive. Ce film noir s’inscrit dans la lignée des nombreux films spiv britanniques, un sous-genre qui fit florès dans l’immédiat après-guerre. Redécouverte…

Déserts

Déserts

Au Maroc, lorsque que vous ne remboursez pas vos dettes, vous risquez de voir débarquer deux agents de recouvrements en costume criard, bon marché mais toujours impeccable. Mehdi et Hamid, entre menace et arrangement, arrachent ainsi aux pauvres ce qu’ils ne peuvent cacher, travaillant à rendre le désert encore plus désert, jusqu’à se trouver eux-mêmes coincé par une histoire de vengeance qui n’est pas sans rappeler un scenario de western.