Aux premiers abords, on croirait voir une suite de La Fiancée du pirate. Vingt ans après, Nelly Kaplan proposerait une nouvelle fois un film féministe, une variation sur le même thème. Pas très novateur. Autant le premier avait pu engendrer une réflexion, marquer les esprits et se faire une place dans le cinéma, autant celui-ci est trop facile pour l´époque. Il ne suscite guère qu´une impression de << déjà vu >>. Donc déception.
Plaisir d´amour est un film est plus cru, plus éhonté. Filmer des scènes de débauche (quoique ici tout reste sage mais très bien suggéré) ne trouve plus de légitimité. On dirait que la réalisatrice ne maîtrise plus très bien son sujet, qui était de rendre le pouvoir aux femmes, de faire un film engagé sur les femmes et l´amour. Même si encore aujourd´hui (le film date de 1990, donc assez contemporain), celles-ci sont encore à bien des égards dominées par les hommes, cette virulente critique de la phallocratie manque de piment et ne conserve pas le recul nécessaire à l´identification. Peut-être manque-t-il un peu d´humour, un second degré. Il eut fallu enrichir la trame narrative de rebondissements, la rendre plus dynamique. Adopter un parti pris générique : comique ou dramatique. L´entre-deux déstabilise et laisse un goût amer (dans la mesure où l´on ne sait pas très bien quelle attitude avoir). C´est trop << bordélique >> pour que le spectateur puisse y trouver une place.
Plaisir d´amour relate l´arrivée (presque par hasard) d´un homme, Guillaume de Burlador (Pierre Arditi) sur une île paradisiaque où il semble attendu, du moins pas imprévu, par trois femmes, Do (la grand-mère), Clo (la mère), Jo (la soeur). Trois générations de femmes vivant ensemble sans homme ou presque. Il n´y a qu´un médecin (Cornélius), deux serviteurs (un peu marginaux). Elles sont séduisantes, libertines, sans complexe. Alors que Pierre Arditi (poète donjuanesque) voit l´opportunité de séduire ces trois femmes, en réalité, elles mènent le jeu et le séduisent, le manipulent. L´histoire se passe sur une île, dans un microcosme loin des réalités de la guerre d´Europe (la guerre d´Espagne dont on a une connaissance épistolaire qui vient de Flo). Elle est la quatrième femme qu´on attend (un peu comme Vladimir et Estragon attendent Godot). Cette attente engendre réflexions, soupçons, questions. Elle devrait surtout créer un processus de suspense, une attente du spectateur. Quelque chose devrait en découler, sinon on tourne vite en rond. Seulement, on n´est guère tenu en haleine que le temps d´un soupir. Le voile est trop vite levé. Et servirait de prétexte ? Pas seulement.
Il y a cette mystérieuse jeune fille dont on sait les fantasmes à travers la lecture des extraits de son journal (on croit d´ailleurs entendre une lecture du Marquis de Sade), écoeurant et inintelligible, justifié au moins par un libertinage philosophique, surtout dans la mesure où Flo n´a que treize ans. Il devient dérangeant de voir l´homme désirer la jeune fille. Toutefois, cela participe à l´organisation machiavélique entreprise par les trois femmes, où l´intérêt du film réside précisément. Elles mettent au point un plan (un peu masochiste) visant à exciter l´homme, lui faire croire qu´il dirige alors qu´il n´est qu´un pantin.
Difficile de voir le bien-fondé de ce film. Bien que l´idée de départ soit bonne, quelques apories narratives nous empêchent de se laisser aller… au plaisir d´amour.