Ça commence comme La Dernière marche, pour finir comme La Couleur des sentiments mais qu’on aurait retourné, ôtant le côté feel good pour ne garder que le sordide. Un homme est condamné à mort (Cusack), il aurait tué un shérif du comté. Autour de son cas s’affairent les deux fils d’un magnat de la presse (McConaughey et Efron), un rédacteur black et une beauté locale (Kidman), cheap et trop maquillée pour son âge, tombée amoureuse de l’accusé par missives interposées. Ensemble, ils vont tenter de prouver son innocence.
Intéressant de voir comme Paperboy déploie d’abord tout un champ de références au cinéma de genre, avant d’en prendre le contre-pied pour raconter plutôt l’histoire d’un jeune homme de vingt ans épris d’une femme trop vieille pour lui, pas exactement élégante mais de laquelle il ne peut pas détacher les yeux. Nicole Kidman est parfaite dans ce rôle-là, elle sait jouer la vulgarité sans verser dans le scabreux, et ose un certain nombre de séquences réussies parce que gênantes, et qu’on n’attendait pas du tout, comme celle où elle s’offre, en même temps qu’à Cusack, un orgasme rien qu’en ouvrant les jambes devant l’ensemble des personnes venues rendre visite à l’accusé en prison, ou celle où elle urine sur Zac Efron, piqué par une méduse au cours d’une baignade. « Faire l’amour est la chose la plus naturelle du monde », dit-elle à ce dernier qui, à force de persuasion, arrivera plus tard à ses fins. Dans une époque où le sexe ne saurait se faire hors mariage, Paperboy devient aussi l’histoire de premières fois.
Drôle aussi de constater que Paperboy, alors qu’on l’imaginait film noir dans les états ségrégationnistes des États-Unis au courant des années 60, ressemble plutôt à un thriller érotique dans une société où les Noirs n’ont pas leur place, mais où aucun n’est jamais présenté comme victime. Aucun manifeste là-dedans, l’intolérance existe, on ne la nie pas, mais ce n’est pas le sujet, juste la toile de fond. Lee Daniels assura en conférence de presse avoir réalisé ce film parce qu’il est « un cinéaste noir et gay » : il sait de quoi il parle, donc. Mais il s’agit plus ici de filmer les corps sous un soleil de plomb et une humidité asphyxiante : les aisselles transpirent, les fronts ruissellent, il fait toujours trop chaud. Zac Efron passe beaucoup de temps en slip : dommage, au début du film, on avait presque commencé à le prendre pour un acteur.
Ce n’est pas très grave, puisqu’il s’agissait surtout de mettre les comédiens là où n’a pas l’habitude de les voir. De ce point de vue-là, c’est vraiment réussi, et plutôt convainquant. Sans rien dévoiler, une scène témoigne de la singularité de Paperboy : à mi-film, on retrouve McConaughey ensanglanté, nu, pieds et poings liés par du matériel sado-maso. Il est en fait homosexuel, c’était suggéré sans être dit, il aime les « nègres » mais a du mal avec ça. Ce n’est pas le moindre retournement d’un film qui, à défaut d’enchanter, ménage des surprises dans à peu près chaque plan. Paperboy est donc comme ça, faux polar en zone humide, film à intrigue multidirectionnelle, sans génie de mise en scène mais à l’image comme cramée par la chaleur étouffante, vraie galerie de personnages décomplexés aux mœurs viciées. C’est l’objet d’un cinéaste qui s’autorise à peu près tout, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on ne déteste pas voir Barbie (Kidman) et Ken (McConaughey/Efron) être méchamment violentés.