Never let me go

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Un best-seller au début, un film bourratif à la fin.

Kathy, Ruth et Tommy grandissent dans un pensionnat, à l’écart du monde. Mais une révélation vient ébranler leur existence . Ils prennent conscience qu’ils sont des clones, élevés uniquement pour le don d’organes.

Never let me go est d’abord un best-seller de Kazuo Ishiguro, tombé entre les mains d’Alex Garland, écrivain (La Plage) et scénariste. Le livre a aussi atterri auprès de Mark Romanek, connu pour avoir réalisé Photo Obsession, thriller très bien fichu, et surtout reconnu dans le monde de la pub et des clips. Sur son CV figurent des collaborations avec des noms prestigieux de la musique : Beck, Red Hot Chili Peppers, David Bowie, Lenny Karvitz, Madonna et Michael Jackson. Mais Never let me go n’est pas d’une tenue aussi puissante que ses clips.

Fidèle au livre, le film de Romanek raconte une histoire, riche en thématiques. Les personnages sont clonés mais le long métrage ne s’inscrit pas dans la science-fiction. Il s’articule surtout autour du sujet de la perte des êtres chers ainsi que des notions de retrouvailles, sacrifice et dévouement. Le film questionne également sur la définition de l’humanité. Tout s’organise autour d’un trio de personnages et d’un triangle amoureux, soumis à une temporalité accélérée. Ruth (Keira Knightley) se pose en obstacle entre Tommy (Andrew Garfield) et Kathy (Cary Mulligan), qui d’un ton très posé, prend en charge la narration en voix off, pour nous plonger dans l’histoire. Mais l’unique registre larmoyant des acteurs et leur jeu souvent lâche (Keira Knightley en première ligne) constituent un rempart pour y pénétrer et être touché.

Never let me go a la main lourde sur le sentimentalisme. La chanson phare du film, interprétée par Jane Monheit (qui a déjà été nominée à deux reprises pour les Grammy Awards) est d’une sensualité exquise et se détache amplement du reste de la BO, mais son effet tombe à l’eau. La voix suave de l’artiste est comme le chant d’un oiseau posé sur une branche coupée, la faute à l’absence cruelle de tension dramatique. Le long métrage suit le chemin trop semblable des séries pour ados, bourrées d’artifices, saupoudrées d’une dose morale et surtout tire-pleurnicheries à l’excès. Never let me go ne parvient pas à bouleverser, même dans sa fin, enveloppée comme au début d’un doux climat de résignation et malgré le sort de ses personnages, élevés pour être de simples pièces de rechange, dépouillés de leurs organes jusqu’au dernier soupir.

Les seuls plaisirs du film résident dans la symbolique de l’art (Montre-moi ce que tu dessines et je dirai qui tu es.), pas suffisamment exploitée, et dans sa photographie, sublime. Never let me go est construit en trois parties qui correspondent à trois étapes chronologiques et géographiques (Halisham School, les Cottages et enfin, l’hôpital). Chacune d’entre elles est associée à des couleurs. La plus réussie est sans doute la première. Les couleurs vertes et brunes y sont mises à l’honneur, dans des tons sobres d’où se dégage une atmosphère singulière, avec laquelle flirte le sentiment lénifiant et permanent du deuil. Ce choix vient bousculer l’attente visuelle liée au genre SF. Il apporte un sentiment d’atemporalité et d’étrangeté au film. Mais le charme s’arrête là, le reste n’arrivant malheureusement pas à la cheville de cette photographie si soignée.

Never let me go restera une histoire touchante, sur papier, seulement.

Titre original : Never let me go

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Durée : 103 mn


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