Mon frère se marie

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La poignée de mains. Un geste de tous les jours, réflexe de politesse et signe de respect. Parfois aussi, lors des entretiens d´embauche par exemple, elle sert à > la personne que l´on a en face de soi : mains moites, fermes, molles ? Mais à quelques occasions, elle peut contenir une intensité extraordinaire et […]

La poignée de mains. Un geste de tous les jours, réflexe de politesse et signe de respect. Parfois aussi, lors des entretiens d´embauche par exemple, elle sert à << jauger >> la personne que l´on a en face de soi : mains moites, fermes, molles ? Mais à quelques occasions, elle peut contenir une intensité extraordinaire et faire passer des émotions authentiques. Au même titre que certains regards, certaines poignées de mains ont le pouvoir de remplacer les mots. Tel est le cas quand deux mères éprouvant un amour commun pour le même enfant se rencontrent, l´une mère naturelle, l´autre mère d´adoption.

La mise en situation est d´une originalité déconcertante. Vinh est vietnamien de naissance, suisse d´adoption. Quand il se marie, sa mère naturelle lui annonce qu´elle fera le déplacement pour cet heureux évènement. Cette nouvelle ne réjouit guère le jeune homme, qui avait prévu une cérémonie intimiste. La raison ? Cela fait bien longtemps que sa famille a volé en éclat. Pour ne pas décevoir sa mère vietnamienne, qui a toujours cru qu´elle avait fait le bon choix en plaçant son fils en Suisse afin qu´il jouisse du bonheur d´une famille unie et heureuse, Vinh réunit (ou plutôt son frère) père, mère et soeur pour un simulacre douteux.

Mon frère se marie aborde donc de plein front deux thèmes intéressants : l´éclatement de la famille, structure qui tend à perdre la place privilégiée qu´elle occupait il y a encore quelques générations. Et l´adoption, sujet qui, contrairement au premier, ne saurait être considéré d´un point de vue sociétal ou sociologique, mais uniquement individuel. Finalement, Jean-Stéphane Bron, l´auteur du film, n´explore que très peu le ressenti de Vinh, puisque le narrateur de l´histoire est son frère Jacques.

Car c´est bien Jacques qui incite les membres de sa famille à se réunir à l´occasion du mariage de Vinh et qui recueille leurs impressions au moyen d´une caméra trouvée, affirme-t-il, dans l´hôpital où il travaille (principe narratif prenant des allures de documentaire, que Woody Allen n´aurait pas dénigrer). Que veut-il vraiment ? Régler ses comptes ? Croire en la résurrection d´un lien familial brisé depuis longtemps ? Lui-même ne le sait pas.

Quoi qu´il en soit, le film ne prétend à aucune analyse sociologique sur la question de la dénucléarisation de la cellule familiale, ni à une description psychologique poussée des doutes et des craintes que peut ressentir un enfant adopté. Ce n´est d´ailleurs pas plus mal. Toute extrapolation sur ces deux sujets serait même mal venue, car Mon frère se marie n´a pas de portée universelle. Il nous fait simplement vivre trois jours au sein d´une famille où rien ne va. La mise en situation de l´intrigue est de toute façon si farfelue qu´elle rend la portée cognitive du film quasiment nulle.

Un choix assumé par le ton employé, clairement tourné vers la comédie, lorgnant même parfois sur le vaudeville. Ce qui n´empêche point le cinéaste de mettre en lumière des instants plus dramatiques, où les années de silence et d´incompréhension remontent à la surface. Les personnages qui nous sont présentés ont l´air profondément malheureux et solitaires. Des efforts, on peut en faire le temps de quelques heures. Mais en trois jours, forcément, arrive un moment où l´on ne peut plus cacher ses vérités.

Mon frère se marie est donc une bonne comédie, originale et assez incisive, portée par d´excellents comédiens. Cependant, on aurait aimé que le cinéaste aille au bout de ses intentions, quitte à se tromper par moments. Cliché ultime sur la nation suisse, le film donne l´impression de ne pas vouloir s´engager pour conserver toute sa neutralité. Beaucoup de dialogues et de situations prêtent à sourire, mais le film ne parvient qu´à de trop rares occasions à arracher un rire franc. Ainsi, le personnage de l´oncle vietnamien aurait pu introduire un comique plus burlesque, tout comme les ressorts vaudevillesques auraient pu déboucher sur des situations franchement cocasses. Les séquences plus dramatiques ne poussent pas non plus l´intensité à un degré bouleversant. A vrai dire, mise à part cette poignée de mains entre les deux personnages féminins ou la bagarre générale dans la cuisine, il n´y a pas de séquences marquantes. Dommage donc, de constater cette retenue un peu frustrante, instaurant au final une certaine monotonie dans le récit.

Titre original : Mon frère se marie

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Durée : 95 mn


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