Metello (1970)

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Récit de la vie du jeune Metello, maçon de son état, sur fond des premiers conflits sociaux à Florence, cité qui s´ouvre comme le reste de l´Italie du Nord à la fin du XIXe siècle, au capitalisme naissant.

De toute sa jeune Histoire, l’Italie a connu peu de périodes calmes et pacifiques. De la fin du Risorgimento, période à laquelle se déroule l’action de Metello, jusqu’aux années berlusconiennes, en passant par les « années de plomb », le fascisme – et sans parler de l’infâme pieuvre mafieuse -, la péninsule a traversé le XXe souvent dans la violence, l’autoritarisme ou un système parlementaire corrompu, en général. Le cinéma italien, politique par excellence, surtout au tournant des années 70, s’est emparé du récit national avec les mises en scène les plus transgressives (Visconti avec Les Damnés en 1969, par exemple) ou les plus réalistes (comme L’Affaire Mattei de Francesco Rosi en 1972).

Metello, réalisé en 1970, se classe du côté du réalisme – même si cette définition, nous le verrons ultérieurement, mérite plus de nuances. Tiré du roman éponyme de Vasco Pratolini, publié en 1955, c’est le premier volet d’une fresque historique, Una storia italiana. Pratolini narre dans ce premier opus la vie du jeune Metello, maçon de son état, sur fond des premiers conflits sociaux à Florence, cité qui s’ouvre comme le reste de l’Italie du Nord à la fin du XIXe siècle, au capitalisme naissant. Bolognini choisit donc de filmer le destin d’un anti-héros, jeune homme qui n’a pas connu sa mère, morte en couches et dont le père, anarchiste, dont l’action militante fut vaine, mourra peu après. Il va se retrouver presque malgré lui, à la tête d’une grève.
 
 

Mauro Bolognini réalise ce film à une date cruciale de l’Histoire italienne : l’attentat de la Piazza Fontana le 12 décembre 1969, qui fit seize morts et une centaine de blessés. Les « années de plomb » qui ont terrorisé l’Italie venaient de commencer. Elles dureront près de quinze ans. On ne peut s’empêcher d’interroger rétrospectivement le désir du cinéaste, lorsqu’il choisit de tourner Metello, de délivrer un message, son souhait pour l’avenir de son pays qu’il doit pressentir sanglant en cette année fatidique. Si, à la lumière du fracas qui s’annonce, Metello fut sûrement dans l’esprit du cinéaste un film engagé, il n’est pas, à coup sûr, une œuvre idéologique, ni militante. Le film témoigne de lui-même, par la douceur de son propos. Tout d’abord, par la grande beauté de la photo d’Ennio Guarnieri. De bout en bout, d’admirables tableaux défilent ; des reconstitutions de Florence stupéfiantes comme ces lavandières sur l’Arno ou ces scènes d’alcôves… Ces peintures font penser aux Macchiaioli, les impressionnistes italiens. On a souvent parlé de Bolognini comme d’un « sous-Visconti ». Bien injuste sentence si l’on songe à la perfection formelle dont fait preuve le réalisateur ici, égale dans sa splendeur à celle de son illustre pair. Il y a aussi l’interprétation de Metello par Massimo Ranieri, presque fascinante tant la photogénie du jeune premier est grande, son jeu sobre et étincelant en même temps. Le charisme de Ranieri est si évident qu’il nous fait penser à un Omar Sharif, plus pâle de peau certes, mais avec un magnétisme comparable.
 
 

Metello n’est dons pas dénué d’un romantisme affirmé. Cette esthétique, le goût pour les femmes du protagoniste, participent d’une certaine légèreté, d’un amour de l’existence côtoyant le récit implacable de la grève affamant les ouvriers, de la prison aussi, de la guerre, bref du destin tragique des hommes. Bolognini a voulu adoucir l’Histoire sanglante en marche en choisissant d’adapter le roman de Pratolini. D’ailleurs, l’ouvrage de ce dernier, à sa sortie, avait été vertement critiqué par certains chroniqueurs littéraires estimant que l’auteur en quelque sorte dispersait son personnage, le fourvoyait dans le lit des femmes plutôt qu’il ne le consacrait exclusivement à la lutte. Le cinéaste tient à ne pas verser dans l’idéologie, le combat politique exclusivement. Certes le cinéaste est bien du côté des grévistes en lutte mais il ne veut pas tenir un propos manichéen : les bons ouvriers contre le patronat méchant. D’ailleurs, le chef de chantier n’est pas dépeint comme un ogre capitaliste, avide et sans pitié. Son rôle est peu souligné et se situera plutôt dans la tendance d’un entrepreneur paternaliste.
 
 

 

Toute l’histoire du film tient dans la tension provoquée chez Metello, tiraillé entre son désir familial et le devoir que lui impose son engagement pour ses camarades. En d’autres termes, notre protagoniste se tient à distance de la tragédie, modeste, comme s’il voulait à tout prix éviter de renouveler l’expérience de son père, anarchiste vaincu. Pourtant, il sera sur tous les fronts et la prudence ne l’empêchera pas de se retrouver en première ligne lors de la grève. Sur le plan amoureux, il sera séduit au début du film par Viola (Lucia Bosé), splendide initiatrice puis épousera la belle Ottavia Piccolo (Prix d’interprétation à Cannes). La rencontre improbable de ces deux-là donnera lieu à une scène admirable lorsque Metello, emprisonné, tombera amoureux en un instant depuis les barreaux de sa cellule en apercevant la belle, en contrebas du mur de la prison. En définitive, Metello n’aura pas le destin malheureux de son père. Par une très belle séquence finale, Bolognini envoie un signal d’espoir dans le contexte idéologique et politique de son pays qui vient de s’assombrir avec l’attentat de Milan.

Titre original : Metello

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Durée : 107 mn


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