Maniac

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Remake vain et aseptisé, « Maniac » revient dans une version qui a tout de l’hommage impuissant. De l’arrière-boucherie de William Lustig, ne reste plus qu’un bloc opératoire immaculé.

Trop occupé à déterrer ses morts et à s’en faire gloriole, le cinéma ressemble de plus en plus à une machine à recycler. Une fâcheuse manie qui conduit invariablement au désastre, cas d’école : Total Recall : Mémoires programmées de Len Wiseman cette année. Pour cette fois, quelques européens ont choisi de s’attaquer au metteur en scène – plus culte que brillant – William Lustig. S’il ne s’agit assurément ni du réalisateur américain le plus clean ni du plus génial, il reste apparemment le plus 2012 – Nicolas Winding Refn s’escrimant actuellement à ressusciter son Maniac Cop (1988). Pour redonner vie à Maniac, les réalisateurs Franck Khalfoun et Alexandre Aja – ici co-scénariste avec Grégory Levasseur – ont opéré quelques menus changements. D’abord côté décor puisque l’action passe des bas-fonds de New York aux artères sombres de Los Angeles. Ensuite côté casting, où Elijah Wood prend la place du grand Joe Spinell dans le rôle de Franck Zito. Problème : là où la bouille de Spinell résumait à elle-seule les crimes les plus odieux, Elijah Wood n’offre qu’un regard délavé vaguement freak et sans âme. Résultat, la relève du psychopathe aux pulsions inavouables tient plus du garçon coiffeur que du garçon boucher.

Laconique, l’histoire de Maniac suit le périple d’un assassin semant la terreur en ville en scalpant ses victimes afin de reconstituer une mère abusive décédée il y a des années. À l’inverse de l’opus original de Lustig, Khalfoun a opté de bout en bout pour une vision subjective, le brio de Carpenter dans Halloween (1978) en moins. De fait, Elijah Wood est rarement présent à l’écran, sinon à travers des jeux de miroirs censés – dans un laborieux dispositif à la Peeping Tom (Michael Powell, 1960) – dessiner en creux la participation voyeuriste du spectateur. Devant l’avidité fétichiste du cinéaste à cadrer, via d’interminables travellings, des poupées de chair toujours plus sculpturales et stéréotypées, difficile toutefois de ne pas y déceler une certaine complaisance. Les éléments structurels de ce nouveau Maniac – pulsions scopiques en tout genre -, avec leurs coutures trop marquées, sont autant de poncifs ressassant avec embarras le cahier des charges du slasher movie bête et méchant. Pire, toute la dimension infectieuse et irrévérencieuse du volet original a été entièrement gommée. Tant et si bien que là où Lustig poussait – grâce à une magie crasseuse jusqu’au-boutiste – les spectateurs à vouloir prendre une douche à l’issue du générique, Khalfoun, par trop hygiéniste, ne fait que laisser tomber des viscères sur des draps blancs. Aseptisés et ultra-violents, les effets les plus gores – à mille lieux des bricolages grossiers mais répugnants qu’élaborait Tom Savini en 1980 – ne font ainsi jamais mouche.

 
  


 
 
Pour sauver ce remake pataud du naufrage, Khalfoun et Aja ont dû se résoudre à mimer péniblement les moments de bravoure de la version de Lustig. Ainsi, tous les clins d’œil y passent : mêmes plans pour les meurtres, mêmes décors pour certaines scènes, même poursuite dans le métro désert, mêmes déglutitions post-scalps, mêmes répliques. Et en bonus, le reflet sur la carlingue d’une voiture rappelant trait pour trait la célèbre affiche du Maniac de 1980. Les défauts du premier ont pour leur part été accentués. C’est notamment le cas du pseudo discours œdipien, encore plus poussé que par le passé. Sans oublier ces flashes back ridicules où fait intempestivement irruption la mère fornicatrice aux culottes lestes de Franck. Difficile dans ce contexte de laisser suffisamment d’espace aux bonnes idées pour se déployer comme il se doit. Car quelques trouvailles intéressantes se cachent ici ou là dans ce fourbi, comme par exemple la séquence d’ouverture, plutôt brillante. Et si ce n’était pas cette musique insupportable au possible (Q-Lazzarus, entre autres) et ces effets ratés, le fait d’avoir choisi de faire vivre au spectateur le désordre mental du tueur depuis la salle des machines aurait pu faire des merveilles. Finalement, le résultat obtenu tient davantage du jeu vidéo trash sans fondement que du film d’horreur psychologique. On notera d’ailleurs à ce titre quelques vaines tentatives d’intégration – clin d’œil au Silence des Agneaux (Jonathan Demme, 1991) – à cette généalogie.

Avec sa photo chic et chiadée que l’on croirait tout droit sortie d’un clip, Maniac n’échappe pas à la caricature. Impossible de retrouver ici le voyeur malsain de Lustig, bien plus incarné, sexué et dérangeant que le petit Elijah, enfant assassin incapable de faire la différence entre les poupées de sang et de cire. À tel point que même la séquence la plus brutale du film de Khalfoun, à grand renfort de sons stridents sub-crâniens, peine à effleurer le sentiment procuré par les soliloques insensés de Joe Spinell, seul dans son appartement abattoir. Mauvaise idée, en somme, que d’avoir tenté d’humaniser une bête dont la sauvagerie se suffisait à elle-même.

Titre original : Maniac

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Durée : 89 mn


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