Originaire d’Ischia des îles phlégréennes en Italie, Leonardo Di Costanzo vit entre Paris et Naples. Il enseigne aux Ateliers Varan de Paris et, après plusieurs documentaires, il nous offre ici un film de fiction pourtant proche, très proche de la réalité. L’intrusa est un magnifique film qui pose la question de la culpabilité, de l’engagement et de la liberté, tous ces concepts qu’on a l’habitude de débattre en cours de philosophie et qui apparaissent ici dans toute leur force. Inspiré de faits réels, ce dernier film met en scène le conflit intérieur qui habite Giovanna, créatrice d’un centre communautaire récréatif dans un quartier défavorisé de Naples, lorsqu’elle héberge dans une petite maison délabrée un couple de camorristes avec leur bébé au milieu des enfants auxquels elle propose, avec son équipe, des activités culturelles et artistiques. Présenté comme alternative à la logique mafieuse du quartier, son centre devient du coup, surtout en fonction de la réaction des parents qui y confient leurs enfants, un lieu dangereux. Surtout que la police est intervenue pour arrêter le mari, un dangereux camorriste qui a tué sciemment un des membres d’une famille du quartier. Du coup, la vie de Giovanna devient un enfer, partagée entre son rêve d’harmonie et la dure réalité de la vie lorsqu’elle est confrontée à toutes les réactions qui s’enchaînent : celles des parents, des enfants, de son équipe, de la police et surtout de cette intruse qui ne veut pas quitter la maison que Giovanna lui a proposée lorsqu’elle et son mari étaient en grande difficulté.
Comment rester fidèle à ses idéaux ?
Sans poser de jugements, et avec une précision méticuleuse de sociologue, Leonardo Di Costanzo avance dans la description d’une situation périlleuse qui va demander aux principaux protagonistes de faire preuve de sens pratique et surtout d’intelligence. Comment rester fidèle à ses idéaux ?, pourrait être la question qui taraude ce film. Il dénonce la camorra, mais ce n’est pourtant pas un film sur la mafia. Il montre aussi la misère de ce quartier, mais ne jette l’anathème sur personne. On pourrait dire que Giovanna et son équipe sont les derniers liens et référents qui permettent à cette barre de logements sociaux de rester debout et de continuer à vivre. Bien sûr, lorsque « l’autre » apparaît, en l’occurrence la jeune et belle femme quasi mutique Maria, magnifiquement interprétée par Valentina Vannino, elle va devenir l’objet de tous les rejets, souvent justifiés mais jamais bienveillants comme si personne n’avait jamais droit à une seconde chance. Le réalisateur le souligne lui-même dans le dossier de presse : « L’élément étranger qu’on perçoit immédiatement comme dangereux, voilà, me semble-t-il, un thème particulièrement présent dans les temps que nous traversons. » Certes, nous le vivons chaque jour aussi en traversant les villes de plus en plus miséreuses qui nous entourent, mais le problème ne peut pas être résolu par la simple bonne volonté d’une femme à la fois déterminée et fragile.
Le rôle de Giovanna porte le film
Il faut dire que Raffaella Giordano, dans le rôle de Giovanna, porte le film sur ses épaules et incarne toute la force de la résistance dans un monde de plus en plus dur et impitoyable. Née à Turin, Raffaella Giordano est une artiste, performeuse et danseuse notamment de la compagnie de La Fenice, créée par Carolyn Carlson. Ayant également travaillé avec le Wuppertal Tanztheater de Pina Bausch, son élégance et son port très dignes apportent au film un supplément d’âme qui en fait tout le charme et la nécessité.