Lumière crépusculaire à la Cimino
David Perrault est un enfant d’Angers, la ville du festival Premiers plans. Après des études à la Fémis et trois courts-métrages, il réalise en 2013 son premier long, Nos héros sont morts ce soir, présenté à la Semaine de la Critique à Cannes. L’Etat sauvage est donc son deuxième long-métrage, qui a reçu le soutien de la Fondation Gan pour le cinéma. C’est un western flamboyant et tragique qu’il nous livre ici, dans la plus pure tradition américaine avec un soin tout particulier apporté aux costumes et aux décors, avec une lumière de Christophe Duchange qui ne va pas sans évoquer parfois l’ambiance de Heaven’s Gate de Michael Cimino (1980) et d’autres grands réalisateurs. Lors de la guerre de Sécession, en 1861 aux Etats-Unis, une famille de colons français décide de fuir le Missouri où ils sont installés depuis vingt ans. Edmond, Madeleine et leurs trois filles, ainsi que leur servante, vont traverser tout le pays pour prendre le bateau et retourner en France. Ils sont accompagnés par Victor, un beau mercenaire par la faute de qui ils rencontreront des problèmes, mais aussi une certaine protection.
Un groupe de femmes comme centre du film
Dans ce western étrange et crépusculaire, où ne manquent ni les coups de flingues, ni les ennemis, ni les étreintes passionnées, les femmes à la fin se retrouveront seules et c’est ce qui a intéressé au départ David Perrault lorsqu’il a pensé son scénario, comme il le déclare lui-même dans le dossier de presse du film : « L’envie de base était de mettre en scène un groupe de femmes dans un univers clos puis d’abattre soudain ces cloisons, de les propulser vers de grands espaces… Une façon de les voir fuir un modèle qui les corsète dans un ample mouvement d’amplification. » Le seul western qu’on connaisse et qui ait laissé la place principale à une femme, c’est Johnny Guitar (1954), ce film de Nicholas Ray qui met en scène Vienna, sous les traits de Joan Crawford qui immortalisera ce film. Il est certain que David Perrault y a sans doute pensé, sauf qu’ici les héroïnes ne se comptent plus, et sont françaises pour la plupart. Elles ne s’en sortent d’ailleurs pas si mal, et on est très étonné de retrouve Alice Isaaz et Déborah François dans un western, aux côtés de Bruno Todeschini qui joue leur père. Rien ne manque à ce film qui risque d’obtenir un succès d’une part parce qu’il renouvelle le genre, et d’autre part parce qu’il nous donne à voir des actrices connues dans une situation inattendue. Notamment, la fin du film qui, sur des chevaux, le long de la mer, il nous montre des femmes ayant enfin obtenu un réel statut. Quant au titre du film, il n’est pas si énigmatique que ça puisqu’en fait, il propose un jeu sur les mots. Le réalisateur s’en est expliqué dans le dossier de presse du film : « J’aime son double sens : l’état au sens de territoire et au sens plus personnel. L’Etat sauvage est un film d’aventure intime, le voyage y est plus intérieur que dans un film d’aventure classique. »