Les Tuche

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<< On n´avait rien ou du moins on avait tout. Fais attention, l´argent, ce doit être du poison. >> Sans blague ?

Olivier Baroux, c’est un peu le Kieslowski des idées toutes faites. Si Kieslowski a adapté les dix commandements à la fin des années 1980, Baroux lui met en images les proverbes. Après l’ambitieux mélange de « tel est pris qui croyait prendre » et « l’habit ne fait pas le moine » l’année dernière (L’Italien), il nous apprend aujourd’hui que « l’argent ne fait pas le bonheur ». Merci Olivier !

Les Tuche est une comédie bien franchouillarde. Comprenez : elle met en scène une famille d’un coin reculé de la France qu’elle fait amplement passer pour des ploucs aux accents bien du terroir, mais fondamentalement, ils sont la gentillesse incarnée. Mme Tuche touche enfin le gros lot à la loterie et les voilà tous partis au paradis : Monaco. Sauront-ils se faire accepter par la bourgeoisie locale ? Mais surtout resteront-ils les mêmes avec leurs beaux billets verts et leurs vêtements de luxe ? C’est-à-dire gentils, intègres et honnêtes. Le suspense est à proprement parler insoutenable.

Il y a quelque chose d’extrêmement condescendant dans le regard que Baroux et ses scénaristes (Chantal Lauby et Philippe Mechlen) portent sur leurs personnages. Drapés dans une posture irréprochable (« je me moque d’eux, mais regardez comme je les aime »), ils n’offrent rien de mieux que la vision consensuelle et bien pensante de la classe moyenne par la classe haute, une sorte d’équivalent cinématographique des « petites gens » lamentablement chantés par Yannick Noah. Les dialogues expliquent même patiemment ce qu’il faut penser et ressentir à leur égard : « Alors, tu les trouves comment ? / Ben un peu ploucs. Mais ils ont un truc. Ils sont attachants. » On peut donc autant s’émerveiller que rire grassement – ou pas – en montrant Isabelle Nanty du doigt dans ses frusques fantasmer sur le destin de la princesse Stéphanie ou encore entamer en duo avec Jean-Paul Rouve Comme un ouragan. Qu’est-ce qu’on se marre… Les Tuche rejoint tout un pan de la production française actuelle qu’on pourrait classer dans la catégorie « comédie volontairement ringarde mais tendre » qui peut aussi devenir « comédie dramatique passéiste et larmoyante ».

« J’ai voulu péter plus haut que mon cul. »

Olivier Baroux parvient ainsi à ruiner les quelques bonnes idées (potaches mais potentiellement drôles) de son scénario, de même que quelques excellentes lignes de dialogue (« Le prince Albert n’est pas très féculent. »). Il y avait pourtant matière à (un peu) mieux, notamment en s’intéressant aux liens qui unissent le couple Nanty/Rouve. Au détour de quelques scènes, l’extrême gentillesse des personnages s’avèrerait presque émouvante par les attentions formidables du mari pour sa femme. Sauf que le tout se noie dans une mélasse violoneuse de bons sentiments, de résolution d’intrigue plus qu’au rabais et de récupération de personnages qu’on a un peu oubliés en cours de route. Les acteurs sont trop occupés à parler avec l’accent (lequel ? mystère) pour jouer et la mise en scène dépourvue de toute personnalité sert des plans tape-à-l’œil mille fois vus : esbroufe depuis hélicoptère et grande séquence au ralenti dénuée de toute ironie.

Dans le joli monde d’Olivier Baroux, tout le monde il est gentil ou le deviendra. Chacun a ses petites fêlures mais elles se résolvent dans le chaud cocon familial. Tout est bien qui finit bien et le niveau de la comédie populaire française atteint des niveaux de nullité de plus en plus inquiétants. Sans passéisme aucun, quoi qu’on puisse penser des films de Louis de Funès, ou plus récemment du Splendid et de ce qui en est sorti, leurs personnages avaient un semblant d’épaisseur et les acteurs une propension jubilatoire à donner corps à de beaux enfoirés. Et c’est justement dans leurs travers que ceux-ci pouvaient devenir attachants, marquants par-delà les années à la différence des personnages jetables de Baroux et de tant d’autres de ses collègues. Ne reste plus qu’à fantasmer sur la prochaine fournée proverbiale du réalisateur. Si « à la guerre comme à la guerre » semble exclu d’office (trop violent), un « sois poli, si t’es pas joli » est tout à fait envisageable. Mais est-il souhaitable ?

Titre original : Les Tuche

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Durée : 95 mn


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