Les Petits Ruisseaux

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Papy cherche l´amour et Pascal Rabaté adapte sa BD à l´écran. Bonnes intentions pour un film malheureusement détestable.

Il faut se rendre à l’évidence, nous vieillissons et cela apporte de nombreux changements. Les plus visibles récemment : la retraite à 62 ans et une flopée de films sur le troisième âge. Alors que les Japonais s’éclatent actuellement sur la vague du papy porno (dont la star est Shigeo Tokuda, 74 printemps tout de même), en France, nous avions les films de Jean Becker. Mais le genre comme la population est en pleine expansion. Il faut bien avouer que nos monuments nationaux prennent de l’âge et de la bedaine eux aussi. Si Bébel et Pierre Richard nous ont joué la version "retraité sans foyer" (respectivement dans les malheureux Un Homme et son chien de Francis Huster et Victor de Thomas Gilou en 2009) et Depardieu se remet difficilement d’un rôle de gentil illettré (La Tête en friche, Jean Becker, 2010), Daniel Prévost incarne le septuagénaire coincé se muant en métrosexuel. Tel est peu ou prou le pitch du premier film de Pascal Rabaté adapté de sa BD à succès. On est loin des fuites urinaires promises par le titre : Les Petits Ruisseaux.
 
L’idée de redonner un souffle à la représentation des personnes d’un certain âge dans la comédie populaire est en soi séduisante. Mais il faut bien avouer que les tentatives françaises ne sont guère réjouissantes. Ce n’est pas Les Petits Ruisseaux qui va remonter le niveau. La vie d’Emile (Daniel Prévost), veuf, est rythmée par ses parties de pêche avec Edmond qui se révèle être un chaud lapin. L’enjeu de ce long métrage sera donc pour Mimile de pêcher autre chose que du poisson. C’est d’abord en compagnie d’une molle Bulle Ogier, qui semble continuellement s’excuser d’exister, qu’il redécouvre les joies du premier (dernier ?) rencard. Comme deux ados, ils vont danser et monter prendre un dernier verre, elle se remaquillera et lui sera tout gêné. Autant de scènes qui font mouche dans la BD et révèlent la finesse de son auteur, mais la transposition cinématographique apparaît d’une platitude déconcertante et multiplie les passages obligés de l’encanaillement contemporain : cul et shit appliqués au troisième âge.
 
Si le film est finalement moins racoleur que l’affiche ne le laissait présager (« Sexe, drogue et rock’n’roll »), il parvient à réunir en lui la plupart des clichés sur le troisième âge et l’adaptation ciné des BD. Visuellement, il regorge d’idées sympas : une voiturette sans permis orange pimpante tout droit sorti du coup de crayon du dessinateur, un jeu sur le surcadrage, l’intensification des couleurs… qui malheureusement n’apparaissent que comme simple décorum. On sent beaucoup trop la présence du bédéiste derrière le réalisateur, usant du plan comme une case à colorier. Certes, Pascal Rabaté se rappelle régulièrement qu’il est au cinéma et se met alors à jouer sur le mouvement et l’échelle des plans, mais sans parvenir à donner une forme à l’ensemble. Il peuple son film de plans jolis, mais inutiles avec l’ambition louable d’être drôle ou attendrissant là où il n’est qu’empatté et mou.
 
Les Petits Ruisseaux est une succession de séquences estampillées comiques et/ou émouvantes prémâchées et prédigérées. Rabaté se montre un réalisateur plein de bonnes intentions qui partage sa vision tendre des personnages et un humour lourdingue franchouillard qui finit par lorgner sur le genre Boon/Merad. Un film gentil, plein d’amour même, mais terriblement terne et sans relief qu’on aimerait pourtant beaucoup apprécier. Mais être sympa ne suffit pas à faire un film.

 

Titre original : Les petits ruisseaux

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Durée : 94 mn


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