Soyons clairs : le nouveau film de Sam Mendes est un proche cousin de American Beauty, mais il n’est pas pour autant une version copiée collée et transposée dans un autre univers temporel, comme pourraient l’affirmer les mauvaises langues. Certes, il aborde une histoire et des thématiques semblables (des personnages emprisonnés dans leur quotidien, leurs apparences et la société superficielle et matérialiste dans laquelle ils vivent), mais le film va encore plus loin dans cette réflexion, y greffant notamment une histoire de couple, véritable moteur du film et qui semble passionner le plus son metteur en scène. Étonnamment bien écrit et dialogué, le film pourrait également s’apparenter à des oeuvres comme Qui a peur de Virginia Woolf avec Richard Burton et Elisabeth Taylor, où le métrage se voit réellement porté par les épaules de ses deux comédiens principaux. En effet, ici ce n’est non pas l’aspect formel sobre, classique et rigoureux de Mendes qui prône, mais bel et bien les acteurs, à qui il accorde clairement le plus d’attention. Sachant que la dernière collaboration du duo Di Caprio/Winslet remonte à plus de dix ans (Titanic de James Cameron), il était justifié qu’une bonne raison les réunissent à nouveau. Tous deux poussés à bout, la prestation des acteurs et leur direction se révèle être le plus grand tour de force du film, très théâtral sans pour autant être poussé à outrance.
Ménageant des séquences d’une puissance émotionnelle rare, l’expérience vécue par le spectateur du film s’avère proprement traumatisante. Que ce soit la séquence glaciale du repas entre le couple, le personnage de Kathy Bates et son fils (Michael Shannons), celle du petit-déjeuner ou encore celle, déchirante, de l’hôpital, on s’aperçoit que c’est réellement là que réside le véritable fil rouge de la carrière du cinéaste : l’intensité des émotions mêlée à l’intelligence du propos. Traitant donc d’apparences et de matérialisme (comme l’indique le plan où le personnage de Frank s’approche de sa voiture, reflété et enfermé par l’arrière de son rétroviseur), ce n’est apparemment qu’après avoir lu le roman de Yates que Mendes aurait accepté de réaliser le film (et prouvant une fois de plus qu’un bon scénario ne suffit pas à faire un bon film). Les Noces Rebelles questionne notre rapport à la quête du bonheur, et surtout aux risques que nous devons prendre afin d’y accéder.
Beaucoup moins cynique mais tout aussi incisif qu’American Beauty, le nouveau film de Sam Mendes existe pour secouer, chambouler et questionner. Nous assurant que son prochain film (un road movie) sera bien plus léger, on ne peut qu’espérer qu’il arrive à la hauteur de celui-ci, dont l’intensité dépasse tout ce que l’on aurait pu imaginer. Couples en crise s’abstenir.