Le souffle de la tempête, (Sortie DVD/ Blu Ray chez Rimini Editions)

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Un western solaire signé Alan J. Pakula.

Brillant architecte des manipulations politiques et policières (À cause d’un assassinat, 1971, Les hommes du président, 1974), Alan J. Pakula quitte étonnement les dédales urbains pour rejoindre les paysages arides du grand Ouest. Il fait de nouveau appel à Jane Fonda dont il avait mis en valeur l’ambiguïté et ses nombreux autres atouts de séduction dans Klute (1971), pour lui confier les rênes d’une autre héroïne à la hauteur de sa stature. Sous un soleil éclatant, mise en lumière par le prestigieux chef opérateur Gordon Willis, les traits de la comédienne rappellent plus jamais la puissance contrariée que son père a si souvent incarnée dans ses personnages de héros dans la tourmente. Économe dans ses expressions verbales et corporelles, la Star s’efface dès sa première apparition pour laisser s’épanouir Ella Connors, une « dure à cuire », façonnée par la rude existence d’éleveuse de bétail.  » You’ve got Balls » – sous-titré à l’écran, comme trop souvent, d’une façon édulcorée -, lui lance avec un grand sourire Franck Athearn (James Caan), lors d’un échange sur les termes de leur future collaboration. Indécrottable solitaire, capable de mener un troupeau aidé d’un seul vieux cowboy. Franck qui vient lui prêter main forte restera, sauf à deux reprises, le plus souvent dans l’ombre de son « associée ».

Ella ne se voit ramener à son statut de femme que par son ennemi de toujours J.W. Ewing, Jason Robards. Dès leur première rencontre, le cadrage souligne le déséquilibre qui régit le rapport de force entre les deux vieilles connaissances. J.W. Ewing est sur le seuil de la demeure d’Ella, qu’il vient de visiter en son absence, en plan serré sa silhouette pourtant frêle semble infranchissable, et les gros plans sur son visage accentue la perversité qui résonne déjà dans sa voix caverneuse et  posée, tandis qu’en contrechamp la jeune femme peine à exister dans un décor plus vaste. Désireux de récupérer les terres, Ewing est prêt à tout pour ruiner les derniers espoirs d’Ella.

Mystérieux, inquiétant – voire pervers- mais élégamment à bout de souffle, dans la peau de J.W. Ewing, Robards ressuscite son Cheyenne d’Il était une fois dans l’Ouest. Pakula ne manque pas de le rappeler lors de certains échanges de regards, cadrés au plus prêt des visages. Autres lien de parenté avec le chef d’œuvre de Leone, derrière cette lutte entre deux vieux rivaux, un ennemi plus impitoyable arrive pour mettre tout le monde d’accord. Une machine qui fonce à toute allure pour tout engloutir : le progrès, en l’occurrence ici, les investissements pétroliers. Face à cette tempête, le vieux monde qui ne veut pas mourir s’évertue à protéger ses intérêts économiques mais aussi la nature, notre dame nourricière. La frugalité de la vie d’éleveurs, l’amour du geste, la beauté des paysages comme principal plaisir, Le souffle de la tempête multiplie les moments de partage entre l’homme et la nature. Un film écologique avant l’heure – mais finalement y -a-t-il vraiment eu un avant et un après dans ce genre aussi noble et vivifiant qu’est le Western ?

Dans son approche profondément humaine, dans sa volonté de mettre en avant des problématiques du quotidien liées à la vie des Cow-boys « ordinaires », – gestion du troupeau, négociation avec un acheteur – Pakula retrouve l’esprit d’ Anthony Mann dans Les  Affameurs (1952). La violence, latente, n’explose qu’à de rares reprises, James Caan incarnant  le droit à se faire justice soi-même, si cher à l’esprit américain. Le récit se situe à la fin du deuxième conflit mondial, les balles ne résonnent qu’au début et à la fin, comme un ultime écho d’un passé guerrier. Les hommes vont revenir aux pays, les affaires vont pouvoir reprendre, se réjouissent les spéculateurs qui veulent récupérer les terres d’Ella pour leurs forages. Mais la légende de l’Ouest a encore de beaux jours devant-elle tant que les gardiens du temple gardent sauvages ces territoires.

 

 

 

Titre original : Comes a Horseman

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Durée : 118 mn


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