Le Roman de ma femme

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A la campagne, la jeune, belle et endettée Léa Seydoux a mystérieusement perdu son mari. Heureusement un riche avocat vieillissant, un ami forcément, va l´aider.

Piano, musique aux accents dramatiques, visages fermés, Le Roman de ma femme flaire le drame bourgeois dès la première scène. Une large scène d’une maison à la campagne. Une campagne douce, austère et silencieuse, de celle qui ramollit, qui endort, qui étouffe, mais surtout de celle qui ne livre pas tous ses secrets. A l’image d’Eve dont le mari Paul a subitement disparu, la laissant couverte de dettes.

Eve, celle qui visiblement n’était pas dans les secrets de son mari, c’est Léa Seydoux. Actrice en vogue s’il en est une parmi les jeunes figures du cinéma français. Révélée par Christophe Honoré dans La Belle Personne en 2008, nominée au César du meilleur espoir féminin pour son rôle d’adolescente esseulée dans Belle-Epine de Rebecca Zlotowski, l’actrice aborde ici un autre registre avec le réalisateur tadjik Djamshed Usomonov. Celui d’une très jeune épouse, d’une belle poupée bourgeoise aux bonnes manières dont on pressent, sans avoir la moindre certitude, qu’elle n’est pas complètement étrangère à la disparition de son mari, et que l’avocat qui la secourt (Olivier Gourmet) ferait bien de s’abstenir, voire de la laisser complètement choir.

 
Car l’intrigue prend vite. Léa Seydoux passe brusquement de « Paul est mort ? » à « Paul est mort ». C’est comme ça, on n’a pas plus d’explications puisque les personnages, la police ou bien même la mise en scène ne nous en donnent pas : peu démonstratifs, peu expressifs, peu explicites. Alors d’accord, Paul est mort. Les scènes courtes permettent rapidement à Eve la tentatrice (un prénom pour tout indice) et au vieillissant Maître Chollet, ami du mari disparu, de se rapprocher, recentrant ainsi l’intrigue sur le véritable sujet du film : l’emprise de cette toute jeune femme sur un mourant.

Et pourtant, il est difficile de penser du mal d’Eve, car Léa Seydoux excelle dans l’art de ne pas nous dégouter. La mise en scène nous la livre mutique, son jeu d’actrice n’en est que plus authentique. Pas fausse ni machiavélique mais brute de douceur, le genre d’éplorée dont Nestor Burma ou le Commissaire Maigret se seraient délectés. Toutefois, arrive un moment où les conseils de ces deux flics de terrain auraient été bien utiles. Car sans plus d’explications, on finit par se sentir un peu perdu dans la vie excessivement creuse d’Eve, comme une impression de sur place. Car Eve n’a pas de parents apparents, pas d’amis, personne à qui parler, personne à qui s’adresser, personne pour nous aider à ne pas décrocher. La mise en scène ne nous soulage pas non plus, au contraire. Djamshed Usomonov brouille encore un peu le propos en développant une histoire d’amour en parallèle du sujet Eve/ Maître Chollet. Celle-ci brossée rapidement redonne un peu de rythme et de couleur au film mais pas franchement à nous qui ne savons trop que faire de ce qui ressemble à un aparté.

A voir Eve insondable, absorbée, écrasée par cette atmosphère romanesque, bourgeoise, française en un mot, on avait saisi dès le départ que l’intrigue nécessiterait de l’attention de notre part, mais on n’avait pas forcément saisi que la progression vers le dénouement serait aussi incertaine. On repense alors à la petite lucarne, et on se rappelle que l’on connaît le coupable avant l’inspecteur Colombo ce qui ne nous empêche pas de nous passionner de bout en bout pour ses enquêtes.

Titre original : Le Roman de ma femme

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Durée : 100 mn


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