Le Milliardaire (Let’s Make Love – George Cukor, 1960)

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Une comédie musicale sublimée par les somptueux numéros de Marilyn Monroe sur scène. C’est l’avant-dernière apparition au cinéma de cette icône glamour.

Le Milliardaire serait l’un des plus mauvais films de George Cukor et l’un des moins brillants de la filmographie de Marilyn Monroe. Let’s Make Love, son titre original, sort sur les écrans en 1960. A l’affiche, Marilyn Monroe et Yves Montand. Ce dernier incarne Jean-Marc Clément, un milliardaire français, qui apprend qu’il sera la risée d’une nouvelle comédie musicale (éponyme du titre original du film). Curieux, il assiste à une répétition de la troupe de Broadway et tombe sous le charme de la principale interprète féminine, Amanda Dell. Alors que ses jambes, gainées de noir apparaissent à l’écran, avant son visage, elle chante : « My name is… Lolita… and uh… I’m not supposed to… play… with boys!/ I just adore his asking for more but my heart belongs to daddy » (paroles et musique de Cole Porter, le film est nominé aux Oscars en 1960 dans la catégorie Meilleure musique pour une comédie musicale). La comédienne le prend pour un acteur qui auditionne pour le rôle de Jean-Marc Clément. Le Milliardaire laisse faire et Amanda décide de le prendre sous son aile. Pour la conquérir, l’homme d’affaires tente de s’initier à l’art de divertir. Ses professeurs ne seront autres que Milton Berle pour l’humour, Bing Crosby pour le chant et Gene Kelly pour la danse. Ils jouent leurs propres rôles mais ne figurent pas au générique.

Toute l’intrigue du Milliardaire est construite autour d’un quiproquo dont la levée marque le dénouement du film. La situation est déstabilisante de par sa nature et de par ses implications pour le héros masculin. Jean-Marc Clément est dérouté par les codes de cette industrie dont il ne connaît pas les règles malgré tous les enseignements qu’il reçoit. L’amour le fragilise. Cukor multiplie les gros plans sur le visage de Montand pour montrer combien son personnage est désœuvré dans cet univers, en dépit de la stratégie pour le conquérir, et à travers lui l’amour d’une femme. Et quelle femme ! Marilyn Monroe est sexy. Ses tenues de scène : justaucorps et robes moulants, corsets et autres légèretés la mettent divinement en valeur.

Amanda Dell est une version, peut-être plus empathique, de ces personnages de femmes quelque peu ingénues que Monroe a l’habitude d’incarner. De fait, pour la première fois de sa vie, Jean-Marc Clément rencontre une femme qui ne s’intéresse pas à sa fortune. Amanda n’a d’yeux en réalité que pour sa co-star incarnée par Tony Randall, alias Tony Danton. Elle finira par céder aux avances du milliardaire qu’elle a pris l’habitude de défendre. Est-ce de l’amour ? Le scénario perd de sa crédibilité au fur et à mesure que le générique de fin approche. Car on voit l’industriel la séduire, mais jamais leur relation se construire. Exemple quand elle accepte enfin de dîner avec lui, c’est pour permettre à son partenaire masculin de montrer ses talents au nouveau producteur du spectacle, qui n’est autre que le bras droit de Jean-Marc Clément. L’intérêt du film est relancé dans les dernières séquences du film, celles où Amanda peine à croire que Jean-Marc Clément est vraiment… Jean-Marc Clément. C’est d’autant plus ironique que le film repose sur l’idée qu’il sera aimé pour lui-même et pas pour ce qu’il représente. La construction narrative laisse entendre la thèse contraire dans cette version de Cendrillon revisitée par Cukor. Le réalisateur du mémorable My Fair Lady (1964) a pourtant fait de la comédie romantique une spécialité, tourne depuis en couleur et a réalisé sa première comédie musicale avec Une étoile est née (1954) avec Judy Garland.

A 34 ans, Monroe est à l’apogée de sa carrière et on ne le sait pas encore, tourne son avant-dernier film. Let’s Make Love précède Les Desaxés (The Misfits, 1961) qui réunit Clark Gable et Marilyn Monroe. Deux acteurs avec lesquels Cukor a failli travailler quelques années plus tôt. Alors qu’il est écarté d’Autant en emporte le vent (1939), à cause de sa mésentente avec le producteur David O. Selznick, un mois avant le début du tournage de The Women (Femmes, 1939), il refuse de travailler sur Sept ans de réflexion (1955). L’une des perles de la carrière de Marilyn Monroe, à l’instar de Certains l’aiment chaud ou de Bus Stop.

L’anglais d’Yves Montand, de l’humour et quelques répliques cultes font de Let’s Make Love un film plaisant. Surtout du fait des apparitions chorégraphiées de Marilyn Monroe. Son rôle a été renforcé dans le scénario par son époux d’alors, Arthur Miller qui n’est pas non plus crédité au générique. Le dramaturge a beaucoup contribué à faire exister Le Milliardaire. C’est lui qui suggère notamment Yves Montand. Le comédien français doit son entrée dans le casting à sa prestation dans Les Sorcières de Salem (The Crucible, 1957) de Raymond Bouleau au cinéma, deux ans après l’adaptation française de la célèbre pièce de théâtre produite en 1953. Simone Signoret, qui joue avec son compagnon dans ces productions, et Arthur Miller seront les victimes collatérales de Let’s Make Love. La romance se poursuivra en dehors des caméras. Toute la crème masculine d’Hollywood est sollicitée pour interpréter Jean-Marc Clément. En vain. Charlton Heston, James Stewart, Rock Hudson, Cary Grant, Yul Brynner ont refusé de donner la réplique à Marilyn Monroe. Quant à Gregory Peck, il abandonne le projet parce qu’il estime que sa partition est réduite après le passage de la plume de Miller et craint les retards dont on dit Marilyn Monroe coutumière.

Le Milliardaire n’a pas fait d’Yves Montand et de Marilyn Monroe, l’un des couples les plus mémorables du cinéma des années 60 et même au-delà (contrairement à la réalité), mais le film jouit d’un charme désuet qui opère toujours cinquante après sa sortie.

Titre original : Let's make love

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Durée : 118 mn


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