Le marchand de sable

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Le drame des marchands de sommeil dans une banlieue bien trop stéréotypée

La banlieue, morne plaine

Venu de la banlieue et après avoir travaillé dans l’immobilier, Steve Achiepo se tourne vers le cinéma et nous livre des courts-métrages, nombreux et très remarqués dans des festivals internationaux. Le marchand de sable est son premier long-métrage qui impose à l’écran le beau visage charismatique de Moussa Mansaly, ancien rappeur et découvert au cinéma grâce à Patients de Grand Corps Malade et Mehdi Idir. L’affiche impose aussi de grands noms du cinéma contemporain français tels que ceux d’Aïssa Maïga, révélée entre autres par Bamako d’Abderrahmane Sissako et qui fait un beau parcours au cinéma ; Ophélie Bau qui s’est fait un nom grâce aux derniers films d’Abdellatif Kechiche, Mektoub, my love : canto uno et Intermezzo et le grand Benoît Magimel dans un second rôle ténébreux encore une fois, encensé de tous côtés pour sa prestation dans Pacifiction : tourment sur les îles d’Albert Serra.

Le drame social

Toutes ces énergies se sont concentrées pour s’impliquer dans un projet qui dénonce les marchands de sommeil qui pullulent hélas en banlieue parisienne, et pas seulement bien sûr. Filmé à la manière naturaliste, ce film n’arrive pas évidemment au même résultat que la plupart des grands films néoréalistes italiens qui dénonçaient pourtant eux aussi des drames sociaux. Le cinéma français, sans doute empêtré dans le star system et la bien-pensance ne peut pas se sortir d’une ornière qui oblige les réalisateurs à une certaine uniformité et à un manque de sincérité. Sans doute la faute aux producteurs et à leurs cahiers des charges inspirés malheureusement du cinéma américain. Pourtant, quelques étincelles émergent de ce film qui aurait pu être magnifique si le scénario, coécrit par le réalisateur lui-même et Romy Coccia di Ferro, avait été un peu plus surprenant. C’est très dommage car le film est rempli de fulgurances, les images sont parfois d’une sublime beauté et elles sont dues à Sébastien Goepfert. Il est à déplorer par exemple que les scènes en intérieurs soient souvent très artificielles même si on ne peut que souscrire à ce que Steve Achiepo veut dénoncer : les marchands de sommeil et l’argent facile jusqu’au drame. 

Des fulgurances

Djo, ancien délinquant marqué par la prison, vit à l’étroit dans sa nombreuse famille et se décide, par un concours de circonstances, à fournir des logements à des gens dans le besoin, mû par un sincère humanisme. Mais il tombera bien sûr dans le piège des magouilles et de l’argent facile, et on nous le montre comme un être qui se débat dans cette sorte d’enfer qu’il a finalement lui-même provoqué. Demi-réussite pour ce film pourtant prometteur si son réalisateur accepte de se lancer dans des films plus ambitieux et moins convenus qui ne sont faits que pour idéaliser des causes humanitaires et mettre en valeur des talents de comédiens trop souvent stéréotypés. Le cinéma français a besoin d’air et de sortir du carcan imposé qui fait par exemple dire à l’acteur principal dans le dossier de presse : « Pour moi, l’engagement est nécessaire. Il peut être politique, social, humain. Même faire rire les gens, c’est un engagement. Il faut qu’il y ait une volonté de transmettre de l’énergie, de lancer un débat positif. Je n’aime pas jouer pour jouer, je n’aime pas quand il n’y a rien à défendre. Je ne veux pas forcément défendre quelque chose de politique, mais d’humain, oui. C’est ce qui me parle. » On est bien d’accord avec lui mais l’art doit aller au-delà de cette pure volonté et doit imposer à la fois un mode d’expression et un modèle de pensée. Et ce n’est pas le cas actuellement pour un cinéma français qui se tourne de plus en plus vers le téléfilm, ébloui sans doute par le succès des séries. 

Titre original : Le marchand de sable

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Durée : 106 mn


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